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Le bitcoin et ses impacts financiers : une nouvelle classe d'actifs ?

100$ Iinvestis en bitcoins mi-2010 rapporteraient aujourd'hui plus de 226 millions de dollars [1], de quoi considérer la crypto-monnaie comme une réelle alternative d’investissement, ou du moins s’interroger sur son ascension.

Les caractéristiques du bitcoin

Raillé en 2010, le bitcoin gagne en crédibilité comme classe d’actifs depuis la déclaration de Goldman Sachs considérant investir dans la crypto-monnaie, , et la création de plus d’une cinquantaine de fonds à capital-risque dédiés. Début septembre 2017, la totalité des bitcoins en circulation dépasse les 62 milliards.

Une récente étude explique cet engouement par trois raisons principales :

Sa liquidité : Avec un volume quotidien de transactions supérieur à 1 milliards de dollars, le bitcoin peut être estimé plutôt liquide, puisqu’il s’agit d’une fraction importante de sa capitalisation totale.

Sa faible corrélation avec les classes d’actifs traditionnelles : Tout comme l’or, la quantité de bitcoins en circulation est prévisible, et suit une trajectoire déflationniste. Pour cette raison, il pourrait être considéré comme une valeur refuge, très peu affectée par la fluctuation d’autres actifs. Dans une perspective de diversification, cette caractéristique est intéressante.

Son profil rendement-risque : Comme le souligne ARK Investment Management, le ratio de sharpe - représentant le surplus de rendement relativement au risque pris – est globalement intéressant. Dans une stratégie de portefeuille, inclure du bitcoin en tant qu’actif risqué peut donc s’avérer profitable, notamment si la composition du portefeuille est régulièrement révisée.

Attention cependant à bien considérer le risque règlementaire : récemment, les prises de position du gouvernement chinois ont largement contribué à la chute des cours de la crypto-monnaie par exemple. Les mécanismes de taxation sont également différents selon les zones géographiques et pourraient être amenés à changer dans l’avenir. Enfin, la faible taille du marché et le manque de règlementation, font craindre de possibles manipulations de cours.

 

Les stratégies alternatives et le profil des investisseurs

Pour l’ensemble des raisons évoquées, un certain nombre d’acteurs financiers commencent à s’intéresser de près au cours du bitcoin. Outre la capacité de la crypto-monnaie à satisfaire l’appétit pour le risque de certains investisseurs et à servir de valeur refuge, plusieurs stratégies se construisent autour du phénomène.

Les arbitragistes

Compte tenu du caractère encore jeune du marché, de l’amateurisme de beaucoup de ses intervenants et de l’absence de consensus sur la valeur réelle du bitcoin, la différence de valeurs de certaines crypto-monnaies peut être importante entre différentes places de marché. Une stratégie classique d’arbitrage, sur des classes d’actifs habituellement illiquides, est d’acheter au prix le plus faible pour revendre au même instant au prix le plus haut. Au premier abord, cette stratégie semble d’autant plus faisable que certains marchés proposent de vendre à découvert le bitcoin, permettant ainsi de contourner des délais parfois longs rendus obligatoires par le transfert de l’argent sur le compte bancaire.

Il faut cependant mettre en garde certains particuliers, désireux de réaliser des profits rapides, et rendus avides par la facilité d’utilisation de certains bots proposés sur le net. S’il existe encore des écarts de prix entre certains marchés, ce phénomène est largement dû à des frais parfois importants demandés par les plateformes (frais de retrait, frais de change, …) et à la liquidité disponible parfois restreinte sur chaque marché.

Les investisseurs d’Initial Coin Offering (ICO)

Financer directement son projet auprès d’investisseurs du monde entier, collecter des centaines de millions sans devoir passer par un fonds de capital-risque, c’est l’ambition des ICOs. Clin d’œil à l’IPO (introduction en bourse), l’ICO est une méthode de levée de fonds à travers l’émission de Tokens. Les investisseurs paient en crypto-monnaies liquides (habituellement Bitcoin ou Ethereum) et reçoivent en échange un service, d’ordre monétaire ou non. Ouvert à tous types d’investisseurs, même non accrédités, ayant un mode de fonctionnement plus flexible que les lourds processus de due diligence habituellement pratiqués, ce mode de financement gagne en popularité parmi les start-ups.  

Si seulement 3% des projets liés à la blockchain étaient financés à travers des ICOs début 2016, en un an la tendance s’est renversée, laissant aux fonds de capital-risque seulement 37% du marché.

 

Pour le moment, la majorité des projets financés sont orientés blockchain, car les investisseurs de crypto-monnaies sont sensibilisés à cette problématique, mais rien n’empêcherait que la pratique s’étende à terme à d’autres secteurs, obligeant à repenser le rôle du capital-risque. En effet, traditionnellement, ce type de fonds a trois fonctions : l’intermédiation des capitaux entre investisseurs institutionnels et start-ups, la gestion d’un portefeuille d’investissements cohérents, et une contribution à l’élaboration de la stratégie des start-ups qu’ils portent. Si les sommes levées sont plus facilement collectées par l’intermédiaire de l’ICO, ce type de fonds pourrait repenser son Business Model et davantage valoriser : i) pour les start-ups, son rôle d’assistance dans la gestion ; ii) pour les investisseurs, son rôle de sélection de sociétés prometteuses, notamment dès lors que les scams (arnaques) se multiplient sur les projets d’ICOs.

La mise en pratique d’un adage parfois sage

« A chaque ruée vers l’or, ce ne sont pas les chercheurs d’or qui se sont le plus enrichis, mais les vendeurs de pioches. »

C’est cet adage qu’ont appliqué les « mineurs »,  ces personnes qui alimentent les capacités de cryptage nécessaires au bon fonctionnement de la blockchain. En rémunération pour leur travail, ils reçoivent une partie des crypto-monnaies qu’ils ont contribuées à produire. De véritables fermes de minage ont été construites en Chine notamment, l’activité pouvant rapporter plus ou moins selon la puissance de calcul de l’ordinateur, le coût de l’électricité et le nombre de mineurs en compétition.

D’autres, qui souhaitent avoir une exposition sur le secteur sans avoir à investir dans une crypto-monnaie jugée trop volatile, ont préféré se reporter sur les constructeurs de processeurs graphiques (GPU), souvent utilisés pour le minage. A titre d’exemple, NVidia, leader sur les GPUs, affiche une performance boursière impressionnante depuis quelques années, soutenue par le développement du bitcoin. Il y a un an, l’action se négociait à 47 dollars contre 180 aujourd’hui, en ligne avec le nouveau classement du MIT, distinguant Nvidia parmi les dix entreprises les plus prometteuses de 2017.  

Remettre les choses en perspective

Quel que soit l’approche ou le type d’investisseur, le bitcoin ne laisse pas indifférent : si le dirigeant de JP Morgan, Jamie Dimon, considère qu’il s’agit d’une « fraud », James Gorman, dirigeant de Morgan Stanley, le qualifie de « more than just a fad ». Il est important de relativiser les opinions des différentes sources.

Une valeur difficile à théoriser

Certains considèrent que le bitcoin n’a pas de valeur autre que celle qu’on lui attribue, l’impressionnante montée de son cours serait due à un processus de Ponzi. Les personnes en faveur du bitcoin considèrent que la valeur de la crypto-monnaie repose sur sa capacité à servir à la fois de moyen de paiement et de valeur refuge. Si son potentiel en tant que moyen de paiement est évident, la raison pour laquelle il servirait de valeur refuge est plus difficile à appréhender. Trois raisons sont principalement avancées : sa valeur technologique, la somme des efforts de minage nécessaires à sa création, et sa capacité à fédérer un réseau mondial au travers d’une vision monétaire et politique commune. Chacun de ces points est difficile à valoriser, ce qui explique en partie la volatilité du cours et les opinions mitigées.

La crainte d’une bulle

A la question « Le bitcoin est-il actuellement survalorisé par rapport à sa valeur intrinsèque ? », il est donc difficile de répondre. A la question « Faut-il craindre une bulle ? », il est plus facile de s’accorder : rarement un marché n’a rassemblé autant de personnes sans expérience, attirées davantage par la performance boursière de l’actif que par sa valeur économique. Ceci, non seulement parce qu’il est difficile de théoriser sa valeur, mais parce que le marché est ouvert à tout type d’investisseur, même non-initié, rendu avide par l’apparente simplicité des gains affichés par les primo-arrivants. Pour cette raison, certains investisseurs professionnels attendent que les cours aient subi un crash, pour acheter du bitcoin lorsque les spéculateurs les plus avides se seront retirés du marché. C’est le cas notamment de l’auteur de The Business Blockchain qui estime qu’à l’instar d’internet en 1999/2000, la correction surviendra dans les années à venir.

Une surexposition médiatique

Si l’enthousiasme du marché pour la crypto-monnaie peut effectivement s’apparenter par certains aspects à la bulle internet, il est important de mettre les choses en perspective. La seule perte liée à l’éclatement de la précédente bulle a fait chuter le cours des actions du US Internet Index de plus de 1 755 milliards de dollars, une somme considérablement plus importante que la capitalisation totale des bitcoins, élevée à 75 milliards de dollars environ. On compare également souvent le bitcoin à l’or, dans la mesure où certains y voient une valeur refuge, mais là encore sa valeur est considérablement plus faible que la valeur actuelle de l’ensemble des réserves d’or. Elle atteint 8% de la première capitalisation mondiale, Apple. C’est l’espoir qu’il suscite et sa surexposition médiatique qui font parfois du bitcoin l’objet de crainte disproportionnée.

 

Que le bitcoin se substitue complètement aux monnaies traditionnelles un jour ou qu’il soit un actif spéculatif intéressant est un sujet complexe, qui n’obtiendra probablement pas de consensus avant longtemps. Cependant, un de ses bienfaits est certain : il nous oblige à réinterroger nos certitudes en termes de théorie monétaire, d’intermédiation financière ou du potentiel d’un projet allant au-delà des spécificités nationales. C’est ainsi que se manifeste l’engagement de Sia Partners sur les sujets blockchain : une volonté de rester ouvert au changement, tout en gardant notre capacité d’analyse critique, pour accompagner stratégiquement nos clients sur toute la chaine de développement de leurs projets.

 

 

Notes & Références

[1] Comparaison entre la valeur du Bitcoin le 22/05/2010 à l’évaluation disponible au 16/10/2017