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Freins et leviers pour le développement du GNV

Le GNV (Gaz Naturel Véhicules) n'est pas nouveau. Pourtant, cette filière n'a pas encore réussi à s'implanter en France comme elle l'a fait dans d'autres pays européens. Certains leviers pourraient être actionnés dans les années à venir, et la filière pourrait connaitre un renouveau.

Le GNV (Gaz Naturel Véhicules) n'est pas nouveau. Ce carburant existe depuis des dizaines d'années et les atouts du GNV sont connus depuis longtemps : réduction des émissions de CO2 par rapport à l'essence, diminution des polluants locaux. [1] Pourtant, cette filière n'a pas encore réussi à s'implanter en France comme elle l'a fait dans d'autres pays européens, et notamment en Italie. Certains leviers pourraient être actionnés dans les années à venir, et la filière du GNV pourrait connaitre, en France, un renouveau.
En effet, le bioGNV doit être un moyen pour atteindre l'objectif fixé par la réglementation européenne de 10% de carburant d'origine renouvelable d'ici 2020, et le développement du bioGNV doit être accompagné du développement de la filière GNV dans son ensemble.

Quels ont alors été les freins pour le développement du GNV dans le passé, la donne a-t-elle changé aujourd'hui et quels sont les enseignements que l'on peut tirer des précédents échecs du GNV pour espérer un renouveau de la filière ?

Le GNV suivra-t-il le même chemin que le GPL ?

Pour rappel, le GPL et le GNV sont deux carburants alternatifs bien différents. Le GPL, gaz de pétrole liquéfié, est issu du raffinage du pétrole, il est composé à 50% de butane et à 50% de propane. Le GNV est composé essentiellement de méthane.

Forte de 250 000 véhicules légers roulant en France au GPL fin 2012 et de 1 750 stations publiques [2], la filière GPL carburant reste fragile. Si les immatriculations ont connus un boom en 2009 et 2010, avec respectivement 24 800 et 75 500 immatriculations, alors qu'elles n'étaient que de 2 300 en 2008 [3], elles se sont effondrées suite à la réduction de la prime à la casse et la suppression du bonus écologique [4].

Comme pour le GPL, les politiques d'incitation à l'achat et les avantages fiscaux sont des leviers incontestables pour le développement du GNVCependant, il est difficile pour le GNV de bénéficier de ces incitations à une même échelle que le GPL. Le boom des immatriculations de véhicules GPL est notamment lié à l'action des particuliers : lorsque la prime à la casse et le bonus écologique étaient favorables à l'achat d'un véhicule GPL, ce sont les ménages qui ont été responsables de 97% des immatriculations de véhicules GPL [5].

Le réseau de distribution de GNV rend difficile, aujourd'hui, le développement de ce carburant à grande échelle, pour le particulier

Contrairement au GPL, le GNV ne répond pas aujourd'hui à toutes les attentes des particuliers. Le GNV présente une autonomie faible (300 km pour les véhicules légers) et dépend d'autant plus du réseau de distribution de GNV, pour une utilisation à grande échelle. La bi-carburation [6] permet d'accroître l'autonomie d'un véhicule mais le réseau de distribution publique de GNV est trop éclaté pour permettre un rayonnement national. GNVERT, acteur principal de la distribution de GNV n'a que 27 stations ouvertes au public en France [7], et selon l'ATEE – Club Biogaz, une quarantaine de stations GNV seraient ouvertes au public [8].

Le développement de stations de distribution de GNV peut être soutenu, localement, par le développement de la filière biogaz. Ainsi une première station alimentée en bioGNV a été ouverte à Morsbach (Moselle). Cette station alimente les véhicules du SYDEME [9] mais elle est aussi ouverte au public.

A moins d'être à proximité d'une des stations ouvertes au public sur le territoire français, il est impossible pour un particulier de s'alimenter en GNV. Si les entreprises et collectivités peuvent installer des compresseurs afin d'avoir leur propre station de distribution, reliée au réseau de gaz ou à une unité de méthanisation, il n'en va pas de même pour les particuliers.

La filière GNV doit encore lever quelques barrières pour se développer à une plus grande échelle

A chaque niveau de la chaîne de valeur de la filière GNV, on peut ainsi distinguer plusieurs leviers. Ceux-ci peuvent favoriser le développement de la filière, mais peuvent également constituer des freins. Ainsi, la réglementation liée aux installations de gaz chez les particuliers est un frein au développement du GNV pour les particuliers puisqu'elle empêche l'installation de mini-stations à domicile. Au contraire, un assouplissement de cette réglementation serait un levier considérable pour permettre à la filière GNV de se développer auprès des particuliers.

Energéticiens, équipementiers et pouvoirs publiques étaient signataires en 2005 d'un même protocole pour renforcer la filière GNV, mais les résultats sont encore mitigés et le succès auprès des particuliers ainsi que la distribution privative sont loin d'être assurés [10].

En effet, les particuliers ne peuvent pas installer de mini-station à domicile. Alors qu'une offre « ambassadeur » avait été lancée par GDF Suez en 2006 pour permettre à des particuliers d'installer un compresseur chez eux et d'alimenter leur véhicule GNV, l'expérience a dû être arrêtée à cause de la législation en vigueur en France. En effet, selon la réglementation relative aux installations de gaz à l'intérieur des bâtiments d'habitation [11], les installations de compression chez le particulier ne peuvent excéder 4 bars, alors que pour être transformé en GNV, le gaz doit être comprimé à 200 bars.

Une autre barrière au développement de la filière peut être la commercialisation de véhicules. Il existe aujourd'hui une gamme de véhicules équipés pour rouler au GNV, mais, les principaux équipementiers proposent encore peu de modèles pour le marché français. L'offre mondiale de véhicules se diversifiant, on peut cependant être optimiste sur la levée de cette barrière pour la France. Ainsi le marché mondial des véhicules GNV aurait vu l'arrivée de quatre nouveaux constructeurs de fin 2012 à début 2013. Audi, Lancia, Seat et Skoda viennent allonger la liste des constructeurs de véhicules GNV, portant ainsi cette liste à 15 acteurs [12]. Attention, tous les modèles ne sont pas aujourd'hui disponibles sur le marché français.

Alors que les normes environnementales sont renforcées pour favoriser l'achat de véhicules propres, le GNV est un candidat intéressant pour les flottes captives urbaines ou péri-urbaines [13], et les constructeurs automobiles pourraient être encouragés à diversifier leur offre de véhicules GNV en France. Citons l'exemple d'Aix en Provence qui a choisi en 2012 de renforcer sa flotte de véhicules roulant au GNV et qui a également ouvert sa propre station de distribution de GNV en juillet 2013.

La problématique de la distribution est au coeur des enjeux de développement du GNV. Tant qu'il n'existe pas de réseau de distribution publique à l'échelle nationale et sans possibilité pour les particuliers d'installer des mini-stations à leur domicile, le GNV ne pourra s'adresser qu'aux flottes captives d'entreprises, et aux collectivités qui peuvent construire leurs propres stations et y associer la valorisation de biodéchets. L'assouplissement de la réglementation concernant l'installation de mini-station à domicile, le renforcement des normes environnementales et la fiscalité sont autant de leviers qui pourraient être activés pour favoriser le développement du GNV en France.

C. de Lorgeril, V. de Font-Réaulx, B. Hallo

Cet article s'inscrit dans le cadre d'un dossier presse portant sur les filières biogaz, méthanisation et biométhane. Parallèlement, SiaPartners a développé une offre sur ces thématiques. Pour tous renseignements, contactez-nous.


Notes

(1) Pour plus de détails sur les atouts du GNV, consulteZ notre précédent article sur le sujet « Le futur est-il de rouler au gaz ? »
(2) Source : donnée Comité Français du Butane et du Propane
(3) Source : données SOeS, 2012
(4) La prime à la casse a été réduite à plusieurs reprises en 2010. Le bonus écologique de 2 000 € pour l'achat de certains véhicules, dont les véhicules GPL et GNV n'était valable que pour des véhicules facturés avant le 31 mars 2011.
(5) Source : Commissariat général au développement durable, « Le point sur », n°148, octobre 2012
(6) La bi-carburation essence-GNV consiste à ajouter un système d'alimentation GNV et un système d'injection sur une voiture à essence
(7) Source : GDF SUEZ, nombre de stations affiché au 4 octobre 2013
(8) Source : « Le bioGNV, un carburant propre et renouvelable pour nos villes ! », février 2013
(9) Syndicat Mixte de Transport et de Traitement des Déchets Ménagers de Moselle-Est
(10) Protocole pour assurer le succès du GNV en 2010, MINEFI, 4 juillet 2005
(11) Arrêté du 02/08/77 relatif aux règles techniques et de sécurité applicables aux installations de gaz combustible et d'hydrocarbures liquéfiés situées à l'intérieur des bâtiments d'habitation ou de leurs dépendances
(12) Plus de détails dans le dossier « Le gaz : alternative performante pour les transports », Gaz d'aujourd'hui, n°2013-5
(13) Pour le transport de longue distance, le gaz peut être utilisé comme carburant sous sa forme liquéfié (GNL).