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Pas un jour ne passe sans que la question de l’évolution du rapport des Français avec le travail ne soit abordée dans les médias. Et pourtant, le rapport au travail n’a presque pas évolué en trois ans.
Pas un jour ne passe sans que la question de l’évolution du rapport des Français avec le travail ne soit abordée dans les médias. Et ce qu’on prenne le sujet sous l’angle du développement du télétravail, du désengagement de la NextGen, de l’équilibre vie privée vie professionnelle, de l’impact de l’IA sur l’emploi ou de la quête d’autonomie des salariés. Les résultats du sondage OpinionWay pour Sia Partners sur le rapport des Français au travail (accessibles via le QR code en fin de publication) sont sur ce point instructifs. A commencer par le fait - et c’est une surprise - que le rapport au travail de plus de la moitié d’entre eux n’a pas évolué en trois ans. Mais il y a d’autres enseignements...Nos experts les décryptent.
La dégradation de la perception que les Français ont de leur travail résulte plus d'une crainte de l'avenir que d'une altération de leur environnement direct de travail. En effet, les améliorations objectives observées depuis trois sont plutôt saluées dans le sondage OpinionWay : développement du télétravail, baisse du chômage et essor du travail indépendant. Mais on note quelques écarts significatifs. Les CSP+ ont ainsi plus peur que les CSP- du déclassement et anticipent davantage une évolution négative du rapport au travail. Ils s’inquiètent non seulement de la disparition de leur emploi à cause de la digitalisation de l'activité et de l'intelligence artificielle mais aussi d’un désengagement professionnel (sous forme de démission silencieuse…).
À rebours d’une ambiance globalement pessimiste, les jeunes tirent le moral vers le haut. Bien que parfois (pré)jugés moins engagés et plus consuméristes que leurs aînés, les moins de 35 ans sont deux fois plus optimistes que les 35-49 ans et trois fois que les plus de 50 ans. Sans surprise, ce sont eux (particulièrement les 18-24 ans) qui ressentent le plus les bienfaits du télétravail et du travail indépendant. Charge maintenant aux employeurs de s'appuyer sur eux pour valoriser auprès des autres collaborateurs les possibilités offertes pour mieux équilibrer vie pro et vie perso…
Autre enseignement, les leviers à disposition des entreprises pour améliorer le rapport au travail sont clairs. Davantage que les aspects pécuniaires, les Français attendent d'abord des améliorations qualitatives : l'environnement de travail, la formation tout au long de la carrière, et une gestion plus personnalisée de la durée du travail et de l'organisation du temps de travail.
Arnaud AYMÉ, CEO France Sia Partners
La 4è révolution industrielle, qui a débuté avec la robotisation des taches manufacturières et se poursuit avec le déploiement de l’intelligence artificielle dans tous les secteurs, effraye plus qu’elle ne créée de l’espoir et requestionne la relation au travail. Le sondage sur le rapport au travail, réalisé par OpinionWay pour Sia Partners, en est une parfaite illustration. À en croire les Français, la disparition de certains emplois du fait de la digitalisation de l’économie et le remplacement de certaines activités par des robots sont les deux facteurs qui, après les pénuries de main-d’œuvre, vont le plus impacter leur organisation du travail. Et pour l’heure plutôt négativement.
D’où le triple paradoxe aux conséquences incertaines auquel le monde économique est confronté. Ainsi l’utilisation d’une digitalisation poussée et de l’intelligence artificielle généralisée, notamment dans des services jusque-là épargnés, va décupler la productivité des métiers concernés et permettre d’en recentrer les activités sur certaines parties. Certes, des emplois vont disparaitre mais l’histoire démontre que les prévisions les plus sombres, lors des ruptures technologiques précédentes, ne se sont jamais réalisées et que le solde a toujours été au final positif.
Pour autant, elle va obliger des millions de salariés à se reconvertir dans des métiers à plus forte valeur ajoutée non déjà couverts par l’apport de la puissance technologique. Et il est clair que les salariés aujourd’hui peu qualifiés et éloignés du marché du travail vont avoir du mal, sans un accompagnement personnalisé inédit, à ne pas décrocher.
Enfin, elle va accélérer la bascule des travailleurs dans un monde encore plus hyperconnecté auquel il sera difficile d’échapper, malgré les lois (droit à la déconnexion…) et les règles de bon fonctionnement en entreprise (pas de mail après les heures de bureau…). Avec un prix à payer : la dégradation de l’équilibre vie professionnelle vie privée alors que l’ensemble des salariés, notamment les nouvelles générations qui peuvent voir dans la relation au travail plus de droits que de devoirs, aspirent au contraire à une amélioration du rapport entre les deux, voire à une étanchéité stricte.
Cyril CUENOT, Senior Partner Sia Partners
Le rapport des Français au travail a évolué depuis trois ans, à en croire le sondage OpinionWay réalisé pour Sia Partners. Positivement grâce au développement du télétravail, la baisse du chômage et la croissance du travail indépendant. Et négativement à cause de l’inflation, la réforme des retraites, l’instabilité géopolitique mondiale et la crise du Covid.
Tous ces éléments (à l’exception du dernier) n’ont pas d’effet direct sur le vécu au quotidien du travail. Ce qui aurait tendance à montrer que tout ce qui impacte la vie des acteurs ou qui a un effet sur leur niveau de préoccupation se répercute sur leur perception du travail. Y compris d’ailleurs les inactifs. En somme, la guerre en Ukraine modifie la perception de la relation au travail de certains retraités.
C’est comme si la relation au travail était le réceptacle de tout ce qui touche la vie des Français. Dès lors, compte tenu de leur pessimisme, on voit mal comment la relation au travail pourrait être globalement positive. Pour autant, cela n’exonère en rien les entreprises de créer les conditions pour que la relation au travail s’améliore. Dans une interview récente au Figaro, Laurent Berger disait d’ailleurs que « le travail ce n’est pas l’aliénation, c’est l’émancipation ». Tout l’enjeu pour les entreprises est donc de faire en sorte que ce soit réel pour la plupart des salariés.
Cela passe d’abord par donner envie aux acteurs de venir sur leur lieu de travail pour y nouer des relations, pour participer à une aventure collective, pour vivre des moments à tonalité émotionnelle positive, pour apprendre et se développer, etc. Mais en même temps, être très respectueux de l’équilibre de vie des salariés et accepter d’ajuster et personnaliser le cadre du travail en fonction des attentes et besoins spécifiques.
Eric ALBERT, Fondateur Gérant de Uside
Le télétravail est devenu une réalité pour nombre de Français et marque une rupture entre les mondes d’avant et d’après-Covid. Mais si le travail à distance concerne une majorité de cadres (7 sur 10, selon une étude de l’institut Jean Jaures), il touche toujours une minorité de salariés (un tiers).
Quoi qu’il en soit, le développement du télétravail est l’élément qui a le plus modifié la perception que les Français ont du travail (dans 76% des cas, d’après le sondage OpinionWay pour Sia Partners). Mieux, sa généralisation apparait comme un moyen important d’améliorer le rapport des Français au travail (pour 75% des personnes interrogées).
Que les employeurs soient philosophiquement pour ou contre, la donne a clairement changé et tous doivent considérer le télétravail, en ces temps de pénurie de talents et alors que le rapport de forces s’est inversé en faveur des salariés, comme un facteur d’attractivité et de compétitivité, un peu comme les 35h l’ont été au début des années 2000. Le télétravail est devenu une partie de la marque employeur des entreprises, notamment vis-à-vis d’une jeunesse en quête d’autonomie et décidée à ne pas reproduire les erreurs de vie des générations précédentes.
Cette immixtion du télétravail dans le quotidien des salariés oblige donc les entreprises à repenser les différents temps de vie et à poser un regard inédit sur l’équilibre vie pro vie perso. Sans toutefois aller jusqu’à accepter des demandes de candidats tentant d’obtenir des conditions (par exemple 4 jours de télétravail dans une entreprise qui a négocié un accord à 2 jours) dérogatoires aux règles en vigueur.
Reste que le développement du télétravail, anarchique au printemps 2020 mais négociée depuis, engendre une nette dichotomie entre TPE et grands groupes, mais aussi entre cols blancs et cols bleus. Des inégalités qu’il convient, quand c’est possible, de compenser pour tous ceux qui ne peuvent pas en bénéficier. D’où les réflexions plus ou moins structurées autour du développement de cursus de e-formation pour des ouvriers en travail posté, d’organisation différenciée du travail (à l’image de la semaine de 4 jours), de temps redonné (à travers les congés respiration)…
Marc LANDRÉ, Associate Partner Sia Partners