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La digitalisation accélérée de la relation client chez les énergéticiens

Depuis quelques années, on observe une course à la digitalisation de la relation client chez les énergéticiens : les t’chats fleurissent sur les sites Internet, les expérimentations sur les chatbots se multiplient, les pages consacrées sur les réseaux sociaux sont désormais un incontournable…

Au-delà de simplifier la vie du client, cette digitalisation constitue un axe stratégique majeur pour les énergéticiens pour préserver leur portefeuille sans surinvestir dans la relation client

Il y a 20 ans, lorsqu’un client avait un problème avec sa facture d’électricité ou une panne d’électricité, deux choix s’offraient à lui pour entrer en contact avec un conseiller : saisir son téléphone ou écrire une lettre. L’avènement d’Internet a démultiplié les choix.

Les fournisseurs d’électricité ont rapidement expérimenté ces nouveaux canaux digitaux mais ne les ont pas industrialisés tout de suite. En comparaison, les acteurs des télécommunications tels que Orange ou Bouygues Telecom, ayant subi la libéralisation du secteur des Télécoms quelques années avant celui de l’énergie, évoluent dans un paysage bien plus concurrentiel et mouvant et ont vite compris l’intérêt de digitaliser leur relation client. Preuve en est la digitalisation complète de cette relation dans les nouvelles filiales low-cost des opérateurs de télécommunications historiques, Sosh pour Orange et Red pour SFR.

Bien que le téléphone ait toujours une place prédominante dans cette relation chez les énergéticiens, le client a dorénavant pléthores de choix pour communiquer avec un conseiller : le t’chat via une messagerie instantanée propre au site de l’entreprise ou via des messageries externes comme Messenger ou What’s App, le Web Call Back (être rappelé directement sur son téléphone à l’horaire souhaité), mais aussi les réseaux sociaux, Facebook et Twitter étant les plus représentés, ou encore, une interaction visuelle.

Une digitalisation nécessaire pour garder son portefeuille de client sans se ruiner

Tout d’abord, la concentration des acteurs de l’énergie et la mobilité timide des particuliers n’ont pas incité les fournisseurs à multiplier les moyens de fidéliser leurs clients ou d’en conquérir. Toutefois, l’érosion des parts de marché des acteurs historiques s’amplifie de manière continue (même si elle reste modérée), au profit de fournisseurs alternatifs comme Direct Energie. De plus, les réclamations ou les plaintes des clients sont maintenant publiques (via les réseaux sociaux) et ceux qui les formulent attendent une réponse rapide sur n’importe quel device, d’où la nécessité pour une entreprise d’entretenir sa « e-réputation ».

Au-delà de cette communication digitale, les canaux digitaux sont un bon moyen de fidéliser le client en personnalisant ses parcours sur Internet et en lui proposant de l’aide ou des services à des moments clés (lors de la souscription par exemple). D’autant plus que les contacts entre client et fournisseur sont relativement rares pour les énergéticiens (en moyenne, 1 client d’EDF décroche son téléphone 1 fois par an pour appeler son fournisseur)[i] ; souvent lors d’un déménagement ou d’un problème d’approvisionnement ou de facture, d’où l’importance de soigner et de sécuriser cette relation. Enfin, longtemps cantonnés à un simple canal de réclamation, les canaux digitaux se transforment en canal de vente : ainsi ; 20% des ventes se réalisent via un canal digital pour Direct Energie[ii].

Les canaux digitaux constituent donc un moyen de fidéliser et de conquérir les clients, mais s’avèrent aussi plus rentables que les canaux historiques (téléphone, courrier) pour les entreprises. En effet, un conseiller client peut traiter en simultané 2 ou 3 t’chats avec une satisfaction client souvent meilleure qu’au téléphone. Cette rentabilité des canaux digitaux est d’autant plus forte quand ces derniers se substituent aux conseillers pour traiter les demandes les plus simples. C’est le cas du chatbot et du t’chat communautaire. Avec les progrès réalisés en matière d’intelligence artificielle, les chatbots, robot logiciel pouvant dialoguer avec un client en grande partie en langage naturel, offrent des services de plus en plus complets : Direct Energie vient de lancer un chatbot début 2017 [iii]et Engie et EDF (avec sa conseillère virtuelle Laura) en testent déjà depuis plusieurs années. Quant au t’chat communautaire, il permet de transférer la connaissance de la relation client des conseillers clients à une communauté d’experts piochés dans le panel des clients, non rémunérée et bénévole.

La multiplication de ces nouveaux canaux implique, chez les fournisseurs d’énergie une refonte complète de la gestion de la relation client, tant au niveau organisationnel qu’au niveau technique.

Que se passe-t-il en coulisses pour opérer à bien cette digitalisation ?

Le mot d’ordre pour mener à bien cette digitalisation est l’externalisation.

Externalisation tout d’abord au niveau des outils techniques. Une multitude de start-ups spécialisées dans la digitalisation de la relation client ont émergé ces dernières années. Elles proposent aux grandes entreprises une solution clé en main de t’chat (messagerie instantanée, chatbot, t’chat communautaire) ou de Web Call Back avec une intégration souvent très limitée à l’infrastructure SI existante. Ces « pure players » permettent donc à des grandes entreprises avec un SI complexe, de tester rapidement des canaux digitaux en leur offrant agilité, flexibilité et expertise. C’est pourquoi, les trois premiers fournisseurs ont choisi ces prestataires pour développer le canal t’chat en 2016 : Iadvize, start-up nantaise pour EDF et Engie, Do you Dream Up [iv]pour Direct Energie . Toutes ces start-up veulent tirer leur épingle du jeu et certaines se distinguent en se spécialisant dans un des canaux digitaux : Dimelo est ainsi souvent reconnu comme la référence des réseaux sociaux et Iadvize est plebiscité pour le t’chat. La facilité d’implémentation que proposent ces pure players a toutefois un coût sur le long terme, le système de facturation de ces pure players se base en effet sur la volumétrie des interactions.

Externalisation ensuite au niveau des centres de relation client (call center). Autrefois entièrement internalisés, on assiste depuis le début des années 2000 à une externalisation continue de la relation client en particulier pour les canaux digitaux. Cela s’explique pour plusieurs raisons. Tout d’abord, l’externalisation offre plus de souplesse et d’agilité pour industrialiser et expérimenter de nouveaux canaux rapidement. De plus, elle permet d’externaliser toutes les problématiques liées à la gestion des centres de relation client, à savoir la formation des conseillers clients, particulièrement importante pour répondre aux publications sur les réseaux sociaux, la gestion des flux entrants ou encore le modèle d’activité à adopter. Ainsi les trois principaux fournisseurs d’électricité français ont totalement ou en partie externalisé leur call center : Direct Energie a intégralement sous-traité sa gestion de la relation client à Webhelp[v] avec des call center basés en partie au Maroc ; Engie a également décidé d’accélérer cette externalisation en 2016, non sans soulever quelques polémiques, en ouvrant des call center au Maroc via son sous-traitant Acticall[vi] [vii]; enfin, EDF externalise 40% de ses call centers mais garde une implantation nationale[viii][ix]. Cette externalisation, facturée elle aussi à la volumétrie des interactions, n’est pas synonyme de dégradation de la relation client, preuve en est la distinction reçue par Direct Energie en 2016 « Elu service client de l’année pour la 9ème fois consécutive ».[x]

Cette digitalisation de la relation client, désormais incontournable pour fidéliser et conquérir les clients, sera-t-elle l’une des clés pour les fournisseurs d’énergie de garder un lien de proximité avec leurs clients afin de leur proposer de nouveaux services et surtout de ne pas se transformer en intermédiaire lointain entre le client et des acteurs du numérique ? Tous ont en tout cas fait ce pari et développent la digitalisation à marche forcée.