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ICS : et si la norme s’imposait malgré la résistance du marché

La norme ICS (Insurance Capital Standard), développée par l'IAIS, a pour but de donner un cadre quantitatif aux assureurs internationaux mais fait face à de fortes résistances des assureurs européens. La norme va-t-elle être pour autant abandonnée ?

Contexte de la mise en place de la norme ICS

L’IAIS (International Association of Insurance Supervisors) travaille depuis plusieurs décennies à la création d’un cadre réglementaire permettant d’assurer la stabilité financière du monde de l’assurance. En 2011, l’association a mis en application les ICPs (Insurance Core Principles) qui visent à donner un cadre de supervision international à l’ensemble des assureurs.  

Puis en 2019, les IAIGs (International Active Insurance Groups) ont été soumis aux exigences réglementaires (qualitatives) du ComFrame (Common Framework for the Supervision). 

Enfin, parallèlement à cela, l’IAIS a initié le développement, en 2013, de la norme ICS (Insurance Capital Standard). Cette nouvelle norme vise à donner un cadre de régulation prudentiel commun à l’ensemble des sociétés actives à l’international, les IAIGs (International Active Insurance Groups).  

Cette démarche faisait suite à une requête du FSB (Financial Stability Board), qui veille à la stabilité du secteur financier dans son ensemble (banque et assurance). L’objectif de la norme ICS était de favoriser la stabilité du secteur assurantiel mondial, dans l’intérêt des assurés, tout en assurant une comparabilité entre les différents acteurs et zones géographiques.  

En juin 2023, l’IAIS a annoncé reculer la date de mise en œuvre de la norme de 2025 à 2029. 

Fresque dates importantes pour la mise en oeuvre de la norme

Les impacts liés à l'implémentation de la norme

Le présent paragraphe se focalise sur les impacts opérationnels et quantitatifs à anticiper pour une éventuelle implémentation de la norme, dans le cadre d’une compagnie d’assurance-vie. Les travaux nécessaires sur le périmètre non-vie ne seront pas abordés.  

Les principaux impacts opérationnels 

Les principaux chantiers à prévoir pour les équipes d’actuaires, en cas d’implémentation de la méthode MAV, sont résumés dans le tableau ci-dessous :  

Sujets
Choc de spread : modélisation d'un spread additif Choc aditionnel : de volatilité action Choc de taux : 5 scénarios Calcul ajustement courbe dépendant nature contrats et actif Risque de souscription : un unique module vie et non-vie Risque catastrophe : un module isolé Risque de concentration : logique de la formule différente Reporting ICS : des templates spécifiques à alimenter
Modèle ALM X X X
Production courbe des taux et scénarios économiques X X X
Agrégation des risques modulaires X X X X X
Reporting X X X X X X X

Certains sujets pourraient également nécessiter des développements pour les équipes en charge des modèles ALM, mais ont probablement été couverts du fait de l’introduction de la norme IFRS17 (ex : prise en compte des versements libres dans le Current Estimate, calcul d’un Current Estimate de la réassurance détenue). 

Impact sur l'exigence de capital 

Globalement, les chocs à appliquer sont différents sur la plupart des modules de risque. Néanmoins, une tendance semble se dégager, sur les modules d’assurance vie :  

  • Les différents modules sur le risque de souscription sont identiques du point de vue de leur modélisation et sont moins pénalisants sous ICS  
  • Les modules de risque de marché sont plus complexes (ajout de chocs supplémentaires, méthode d’agrégation…)    L'impact de l’introduction de la norme ICS sur le risque de marché ne peut être anticipé sans une étude quantitative spécifique à chaque assureur.

Une opposition marquée des assureurs européens

L'article du 14/09/2023 de l’EIOPA (Final boarding call for the ICS) souligne la forte résistance du marché à l’introduction de la norme ICS : “EIOPA regrets that a number of European IAIGs are not actively taking part in the ICS development process”. 

Les raisons de cette opposition sont multiples.  

Une concurrence déloyale du marché US ? 

Les assureurs US n’ont pas de norme de type Solvabilité II et ne font pas de calculs prospectifs. L’introduction d’une norme telle qu’ICS - très proche de Solvabilité II, dans sa structure et ses concepts - pouvant s’avérer très coûteuse, les assureurs américains ont fortement appuyé la création d’une méthode simplifiée, l’Aggregation Method (AM).  

Cette simplification est en cours de test et n’a pas encore, à date, été validée. Néanmoins, ce lobbying américain a fortement nuit à l’implication des assureurs européens qui voient dans cette simplification une concurrence déloyale. D’autant plus que le marché américain s’oppose par ailleurs à ce que les modèles internes soient considérés comme « ICS compliant » !  

Une multiplication des normes 

Les assureurs européens voient une explosion de la charge réglementaire : Solvabilité II, IFRS17, PPR, too-big-to-fail (TBTF), communication extra-financière (directive CSRD)… et maintenant ICS. Cette charge additionnelle, dans un contexte de difficultés économiques mondiales majeures, pouvait difficilement être accueillie favorablement.  

Consultation publique de l’IAIS du 23 juin 2023 

En France, les 8 assureurs concernés par la norme ICS n’ont pas souhaité répondre à la consultation publique de l’IAIS dont les réponses étaient attendues pour le 21/09/23. Cette consultation visait à collecter les retours des assureurs sur les choix d’implémentation envisagés.  

Objectif des régulateurs européens 

Il semble important de noter que l’objectif des régulateurs européens n’est pas d’imposer une nouvelle norme prudentielle qui viendrait se superposer aux exigences de Solvabilité II.  

L’objectif est bien de faire valider les exigences quantitatives de Solvabilité II (y compris sur le principe de l’utilisation de modèles internes) comme étant « ICS compliant ». Il n’y aurait donc pas, dans cette éventualité, de travaux majeurs à anticiper, au-delà d’un chantier d’alimentation de templates ICS dont on peut supposer qu’ils seront spécifiques à la norme.  

Cependant, ce travail de lobbying des régulateurs européens ne pourra être couronné de succès qu’à la condition de faire la preuve de la comparabilité des normes ICS et Solvabilité II.  

Il sera donc nécessaire que des acteurs européens (et français) acceptent de s’inscrire dans la démarche proposée par l’IAIS, lors de la période de monitoring qui s’annonce (jusqu’en 2029), et réalisent les travaux d’implémentation de la méthode MAV (Market-Adjusted Valuation), l’équivalent de la formule standard de Solvabilité II.  

Et si un changement d’approche s’avérait nécessaire ?  

Les assureurs européens vont devoir mettre en balance :  

  • Les risques d’image liés à la non-application de la norme ICS :  
  • Auprès des clients car ne pas communiquer sur un ratio de solvabilité ICS, alors que la concurrence le fait, peut être problématique. 
  • Auprès des superviseurs car s’opposer à leurs demandes peut être contre-productif.   
  • Les coûts d’implémentation de la méthode MAV, puis de l’alimentation d’un reporting spécifique lié à la norme ICS. 
La balance des assureurs européens

Sur le marché français, les discussions entre les 8 acteurs impliqués et l’ACPR se poursuivent, et la conclusion de ces échanges n’est pas écrite, quand bien même la résistance du marché reste très forte. Si ces exercices représentent bien une charge (importante) pour les assureurs, compte tenu de l’objectif des superviseurs européens (à savoir rendre Solvabilité II « ICS compliant »), ainsi que des enjeux d’image à l’international, n’est-il pas pertinent de s’inscrire dès aujourd’hui dans cette démarche ? 

Par ailleurs, dans la perspective où la norme Solvabilité II serait reconnue « ICS compliant », et où elle serait finalement appliquée, une évolution de la formule standard (limitée) pour l’ensemble des assureurs n’est pas exclue par l’EIOPA (article du 29/04/2021 ici). Il convient donc de rester vigilant et de poursuivre les travaux de veille réglementaire sur ce sujet.  

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