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Fin de vie des panneaux photovoltaïques : l'Europe en première ligne sur le recyclage

Conséquence de l’essor de l’énergie solaire en France et dans le monde, le déploiement des panneaux photovoltaïques s’est accéléré et avec lui l’anticipation des volumes des installations solaires en fin de vie à traiter.

60 millions de tonnes cumulées de panneaux photovoltaïques usagés sont attendues d’ici 2050. Dès lors, la mise en place d’une filière de recyclage des panneaux solaires se révèle être un enjeu important de la filière solaire pour en faire une énergie authentiquement verte sur l’ensemble de son cycle. Alors que la première génération de panneaux solaires arrivera en fin de vie dans les prochaines années, la problématique du traitement en nombre des panneaux solaires usagés semble se dessiner. Le recyclage des installations photovoltaïques est-il possible ? Des filières se structurent-elles ?

L’explosion programmée du nombre de panneaux solaires en fin de vie

Encouragée par les objectifs inscrits dans la loi de programmation pluriannuelle des énergies, l’industrie solaire connaît aujourd’hui un développement important en France : 80 000 tonnes de panneaux photovoltaïques étaient en fonctionnement sur le territoire fin 2017 (7,7 GWc[i]) et le triple est attendu en 2023[ii]. D’une durée de vie estimée à une vingtaine d’année, ces panneaux deviendront autant de déchets à traiter, les panneaux ne fonctionnant qu’à 80% de leur capacité[iii] après vingt ans d’utilisation.

A l’heure actuelle, les déchets photovoltaïques proviennent essentiellement des défauts de fabrication et de la casse occasionnée lors du transport et de l’installation des panneaux. Ils sont dirigés vers la filière de traitement des déchets des équipements électriques et électroniques. Mais si, dans un premier temps, la quantité de déchets reste modeste, celle-ci augmentera rapidement en raison de l’accélération du déploiement de panneaux photovoltaïques à partir de 2005. L’arrivée progressive en fin de vie de la première génération de panneaux solaires installés au début des années 2000 rend nécessaire la mise en place d’une filière de traitement. En effet, la quantité de panneaux solaires arrivant en fin de vie double chaque année en Europe avec une prévision de 35 000 tonnes de déchets photovoltaïques en 2020, selon une étude menée par l’éco-organisme PV Cycle[iv]. Au niveau mondial, ce ne sont pas moins de 60 millions de tonnes de panneaux photovoltaïques usagés qui sont attendues en cumulé d’ici 2050, selon l’Agence Internationale des Energies Renouvelables[v].

Un processus de recyclage développé et maîtrisé en Europe

L’énergie solaire a longtemps souffert de l’idée préconçue selon laquelle les panneaux photovoltaïques ne sont pas recyclables. En réalité, ils sont composés en très grande majorité d’éléments facilement recyclables. Sur le marché actuel, on retrouve deux principales technologies de panneaux : les panneaux « cristallins » à base de silicium cristallin qui représentent aujourd’hui environ 90% du marché, et les panneaux « à couches minces ».

Les panneaux solaires « cristallins » sont 100% recyclables parce que les éléments qui le composent le sont aussi. Dès lors, la principale difficulté rencontrée lors du recyclage des panneaux solaires est le désassemblage des panneaux et le tri des différents éléments. Après retrait du cadre, un traitement thermique est appliqué au panneau pour faire fondre les plastiques et libérer le verre et les cellules conductrices qui sont ensuite traitées chimiquement pour extraire le silicium. Une fois triés, les éléments tels que le verre et l’aluminium sont facilement recyclables à l’infini grâce à des techniques maîtrisées dans les filières de recyclage traditionnelles tandis que le silicium peut être recyclé et réutilisé jusqu’à quatre fois. Le plastique, lui, est refondu ou brulé pour générer de l’électricité. D’autres éléments comme le cuivre et l’argent se retrouvent en faible quantité et requièrent un traitement spécifique. Jusqu’à présent, le démantèlement des panneaux solaires français était assuré par un verrier en Belgique (Maltha Glass Recycling) avec un taux de valorisation de 80%.

Le développement de ces technologies de recyclage a été favorisé en Europe par une réglementation stricte encadrant la fin de vie des panneaux photovoltaïques. En effet, avec la directive européenne de 2003 relative aux déchets d’équipements électriques et électroniques, l’Union Européenne a mis en place le principe de responsabilité élargie des producteurs. En 2007, l’éco-organisme européen à but non lucratif, PV CYCLE, est créé pour assurer la collecte de ces panneaux dans le but de les recycler.

Ainsi, en France, les fabricants, importateurs, distributeurs ou propriétaires de panneaux solaires payent une redevance moyenne de 70 centimes par panneau à PV CYCLE France, la déclinaison nationale de l’organisme européen, pour financer le recyclage. Le barème d’éco-participation est fonction du poids des panneaux et de leur technologie afin de mieux refléter la réalité des coûts de fin de vie de chaque type d’équipement. Veolia a remporté un appel d’offre lancé par l’éco-organisme pour prendre en charge le traitement de valorisation des panneaux usagés jusqu’en 2021. L’organisme et Veolia se rémunèrent également sur la vente des matériaux recyclés.

En Juillet 2018, Veolia a donc ouvert la toute première usine de recyclage en Europe exclusivement dédiée aux panneaux solaires à Rousset près d’Aix-en-Provence. Sur le site, les panneaux sont débarrassés de leur cadre et des câbles électriques. Les plaques de verre cristallin sont alors broyées à plusieurs reprises, permettant le tri et la séparation de poudre de verre, de poussière de silicium, de filaments métalliques et de paillettes de plastique. Grâce à cette nouvelle technologie de recyclage, l’usine assure un taux de valorisation de 95%. Tous les composants sont ensuite redirigés vers leurs filières respectives. La nouvelle usine, qui a nécessité un million d’euros d’investissement et quatre ans de recherche de la part de Veolia, a traité 1 800 tonnes de matériaux dès sa première année de fonctionnement en 2018. A terme, le site aura une capacité de traitement de 4 000 tonnes de panneaux par an et Veolia espère assurer la valorisation de 65% des panneaux photovoltaïques d’Europe. Le groupe Veolia vise une rentabilité dès 2019 pour son usine, et envisage de reproduire ce type de site en Asie ou en Amérique du Nord dans les années à venir pour répondre à la future explosion de la demande.[vi]  

En Allemagne aussi la filière de recyclage des panneaux solaires est en plein développement. Comme pour la France, PV CYCLE assure la collecte. Dans le cadre d’un projet pilote subventionné par l’Union Européenne, une usine de recyclage de panneaux solaires, opérationnelle en 2018, a été construite et est exploitée par l’entreprise Geltz Umwelt-Technologie. Avec une capacité annuelle de recyclage de 1000 tonnes, l’usine doit atteindre le seuil de rentabilité dans le courant de l’année 2019 selon son directeur[vii]. L’entreprise vise un taux de valorisation de 95% similaire à celui assuré par l’usine de Veolia à Rousset.

Mais si l’Union Européenne a déjà structuré sa filière de recyclage des panneaux solaires, l’Asie et l’Amérique du Nord semblent en retard dans ce domaine.

Un cadre réglementaire à mettre en place dans le reste du monde

En 2050, selon les prévisions de l’Agence International des Energies Renouvelables, seulement 5 pays seront responsables de la mise sur le marché de 60% des panneaux solaires usagés : la Chine, les Etats-Unis, le Japon, l’Inde et l’Allemagne. Aucun, à l’exception de l’Allemagne avec la directive européenne, ne possède une réglementation spécifique encadrant la fin de vie des panneaux photovoltaïques. Pourtant, ce volume de déchets renferme 15 milliards de dollars de matériaux valorisables s’ils sont récupérés et injectés dans l’économie[viii].

Au Japon, s’il n’existe pas véritablement de système de collecte spécifique aux panneaux solaires, il s’est cependant développé un réseau d’entreprises locales, telles que PV Techno Cycle ou Toshiba Environmental Solutions, habilitées à traiter et valoriser les panneaux solaires. Elles sont chargées de démanteler les panneaux et de rediriger les éléments dans leurs filières respectives de traitement. Les entreprises atteignent un taux de recyclage de 80% et PV Techno Cycle vise un chiffre d’affaires d’environ 5 millions de dollars[ix].

Aux Etats-Unis, malgré l’absence de réglementation, certains acteurs se mobilisent sur le marché du recyclage de panneaux solaires. L’entreprise américaine Recycle PV, par exemple, ne parvient pas pour le moment à être réellement profitable en raison du manque de politiques et de réglementation sur la fin de vie des panneaux solaires. L’entreprise s’est associée à PV CYCLE pour amener en Europe les panneaux solaires américains en fin de vie dans le but d’être recyclés.

La situation est plus problématique en Chine et en Inde. Avec, en 2019, la moitié de la production mondiale de panneaux photovoltaïques et un quart des capacités de production d’énergie solaire de la planète, la Chine constitue le leader mondial de l’industrie solaire. Le plan solaire chinois est ambitieux : d’ici 2040, la capacité du parc photovoltaïque doit être multipliée par 10.[x] L’Inde, quant à elle, vise 100 GWc de capacité en 2022. Mais aucune filière de traitement des panneaux solaires n’a pour l’instant été mise en place dans ces deux pays alors que respectivement 13,5 et 4,5 millions de tonnes cumulées de ces déchets sont attendues en Chine et en Inde d’ici 2050. L’industrie solaire indienne semble cependant prendre conscience du gigantesque défi que constitue la fin de vie des panneaux solaires. En coulisse, le Ministère indien des Energies Renouvelables et des Nouvelles Energies dit réfléchir à la mise en place d’un cadre juridique pour s’attaquer à ce problème[xi].  Comme aux Etats-Unis, les panneaux solaires chinois et indiens endommagés lors de la fabrication ne sont pas traités et sont en partie mis en décharge. 

 

L’Union Européenne et la France sont aux avants postes en matière de recyclage des panneaux solaires grâce à une législation adaptée et une technologie maitrisée qu’il faudra déployer à une plus grande échelle dans les années à venir pour couvrir les besoins. En Asie et en Amérique du Nord, en revanche, la priorité est à la mise en place d’un cadre législatif encourageant la collecte et la valorisation des panneaux photovoltaïques usagés, avant la fin de vie de la première génération de panneaux attendue pour 2030.

[i] Gigawatt crête

[ii] D’après Bernard Harambillet, directeur général recyclage et valorisation des déchets au sein de Veolia France, dans le Parisien, 20 Mars 2017.

[iii] D’après un publi-reportage d’Actu Environnement, Décembre 2014.

[iv] Selon une étude menée par l’éco-organisme PV Cycle

[v] Rapport sur la gestion de la fin de vie des panneaux photovoltaïques (Juin 2016), conjointement mené par l’Agence Internationale des Energies Renouvelables (IRENA) et par le Programme de recherche de l’Agence Internationale de l’Energie sur les systèmes de production de l’électricité photovoltaïque.

[vi] Selon un article du 26 Mars 2019 sur le site de Veolia

[vii] https://www.pv-magazine.com/2018/08/23/eu-funds-pilot-plant-for-pv-module-recycling/

[viii] Rapport de l’Agence Internationale des Energies Renouvelables

[ix] https://asia.nikkei.com/Business/Biotechnology/Japanese-companies-work-on-ways-to-recycle-a-mountain-of-solar-panels

[x] Article de Futura Planète du 12 Septembre 2018

[xi] https://thewire.in/environment/india-growing-solar-power-programme-waste