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Corporate PPA: nouveau défi pour la filière des énergies renouvelables

Le record de corporate PPA (Power Purchase Agreement) conclus cette année en Europe et dans le monde témoigne de l’attractivité de ce nouveau modèle d’achat d’énergie renouvelable.

Le corporate PPA est un contrat long-terme d’achat d’énergie signé entre un producteur et un consommateur, le plus souvent une grande entreprise du secteur technologique ou industriel. La France, encore peu présente sur le marché des corporate PPA, semble sur le point de rejoindre le mouvement dans le contexte de la baisse des prix des appels d’offres et de la sortie progressive du mécanisme d’obligation d’achat.

Sia Partners vous propose un état des lieux de la montée de ce nouveau modèle et les défis sous-jacents pour les acteurs de la filière française des énergies renouvelables. 

La fin des obligations d’achat : vers un nouveau mode de financement du renouvelable en France

Le décret du 27 mai 2016[i] issu de la loi de transition énergétique fait évoluer le cadre réglementaire français des dispositifs de soutien à la production d’électricité à partir d’énergies renouvelables (photovoltaïque, éolien, biomasse). La sortie progressive du système d’obligation d’achat fait place au complément de rémunération, une régulation qui incite les acteurs à maîtriser et à prévoir leur injection d’électricité sur le réseau. Au lieu de vendre l’électricité produite à un prix fixe et garanti sur la durée, les producteurs la vendent désormais directement sur les marchés de l’électricité et perçoivent de la part de l’Etat deux types de primes, une prime à l’énergie et une prime de gestion.  Ce nouveau mode de rémunération permet de compenser l’écart de rentabilité entre un producteur d’énergie renouvelable et un producteur classique mais ne garantit pas un prix fixe de vente d’électricité comme les obligations d’achat.  Ce mécanisme introduit ainsi de nouveaux acteurs, les agrégateurs, qui gèrent la vente de l’électricité sur le marché de gros (voir notre article de novembre 2016 sur le complément de rémunération). 

Ce contexte incite les développeurs de nouveaux projets de production d’électricité renouvelable à étudier de nouvelles voies de commercialisation, notamment les corporate PPA. Par ailleurs, les producteurs d’énergie renouvelable qui sortiront bientôt du mécanisme d’obligation d’achat pourront s’orienter vers les corporate PPA : 1 200 MW du parc éolien Français arrivent en effet en fin de contrat d’obligation d’achat[ii]. La porte de sortie vers les corporate PPA semble se dessiner d’autant plus nettement que ce mécanisme de rémunération permet aux producteurs une meilleure prévision des revenus de leur projet en comparaison du système de complément de rémunération qui présente moins de prédictibilité.

Chez certains de nos voisins européens (Royaume-Uni, Pays-Bas, pays Scandinaves), où le cadre réglementaire est moins favorable au soutien de la production d’électricité renouvelable par l’Etat, les corporate PPA sont plus développés et témoignent de l’essor de ce mode de commercialisation de l’électricité dans le monde : 7,2 GW achetés mondialement dès juillet 2018 contre 5,4 conclus en 2017[iii]. La signature récente du plus grand corporate PPA au monde est d’ailleurs Européen : le groupe industriel d’aluminium norvégien Norsk Hydro a conclu un corporate PPA avec le Green Investment Group pour une capacité de 235 GW fournie par le parc éolien Markbygden Ett en Suède.[iv]

A l’échelle mondiale et européenne, les avantages du corporate PPA accélèrent son adoption par les entreprises

L’initiative RE100, lancée au Sommet pour le climat du Secrétaire général de l'ONU à New York en 2014 avec la participation de 13 grandes entreprises, regroupe aujourd’hui 152 entreprises dans le monde. Avec une consommation électrique annuelle totale de 159 TWh, elles se sont engagées à s’approvisionner en électricité 100% renouvelable à l’horizon 2050. 51 TWh provenaient déjà de sources renouvelables en 2016, soit l’équivalent de la consommation du Portugal.

Pour leur approvisionnement en énergie renouvelable, les corporate PPA sont de plus en plus demandés par ces entreprises car ils permettent :

  • de se prémunir contre la volatilité des prix de l’énergie en s’assurant  d’une visibilité à long terme (10 à 20 ans) sur la facture d’électricité ;
  • de s’approvisionner à des prix plus compétitifs dans le cadre d’un corporate PPA que sur le marché de gros[v].

Ce type de contrat permet en outre aux grandes entreprises de répondre à leurs critères de RSE et de verdir leur approvisionnement énergétique.

Dans ce contexte, la part de consommation d’électricité renouvelable en provenance de corporate PPA est en croissance rapide, et est passée, pour ces entreprises, de 3% à 13% entre 2015 et 2016. Les très grandes entreprises technologiques américaines telles que Google ou Facebook contribuent notamment à l’augmentation du volume de corporate PPA en Europe en utilisant ce mécanisme d’approvisionnement pour leurs data centers en Europe du Nord. Les entreprises françaises tels qu’AXA, Crédit Agricole ou Schneider Electric suivent le pas et font désormais aussi partie de la RE100.

Les acteurs de la filière française des énergies renouvelables confrontés aux nouveaux défis des corporate PPA

En France, le marché des corporate PPA est en cours de construction et de nombreux acteurs (producteurs, développeurs, grands consommateurs, fournisseurs et agrégateurs) se préparent aujourd’hui à l’intégrer. La demande client commence à émerger et des grandes entreprises comme Aéroports de Paris ou la SNCF ont récemment lancé des appels d’offres pour approvisionner leurs sites via des corporate PPA.

Pour ces entreprises, conclure un corporate PPA avec un producteur d’énergie renouvelable présente un certain niveau de complexité qui demande un accompagnement expert. En effet, différentes constructions de corporate PPA, qui associent différents niveaux de risques coexistent.

De manière globale l’introduction des corporate PPA en France soulève la question de la standardisation et de la transparence de ces nouveaux types de contrats. Une plateforme d’appels d’offres regroupant l’offre et la demande de corporate PPA permettrait de répondre à ce défi en fixant un cadre commun, et en permettant de négocier certains termes spécifiques pour répondre au besoin de personnalisation des contrats. Le regroupement des appels d’offres augmenterait également la transparence en publiant les spécifications des corporate PPA (prix, teneur, responsable d’équilibre, répartition des risques) retenus.

Enfin, afin de permettre aux plus petits producteurs d’accéder aux grands consommateurs, les agrégateurs sont des acteurs essentiels. Leurs défis principaux consistent à se doter d’outils permettant d’assurer la rentabilité de leurs actifs et de minimiser leur risque. L’automatisation des processus, en utilisant par exemple l’intelligence artificielle dans la gestion des données de production et de consommation d’énergie pour évaluer les coûts de déséquilibre, est un levier pour permettre d’évaluer rapidement les offres les plus compétitives et conclure ainsi les corporate PPA les plus avantageux.

En définitive, l’essor que connaissent les corporate PPA en Europe et dans le monde ainsi que l’évolution du cadre réglementaire des énergies renouvelables en France suggèrent le développement imminent des corporate PPA dans notre pays. Ce nouveau mécanisme de commercialisation de l’électricité propose des atouts non-négligeables sur un marché en quête de stabilité à long terme. Dans ce contexte, l’adaptation des acteurs de l’énergie représente un défi majeur afin de saisir cette opportunité.

[i] Legifrance, Décret n° 2016-682 du 27 mai 2016

[ii] La Tribune, Énergies renouvelables : la France se convertit à la vente directe aux industriels

[iii] BNEF, Corporations already purchased record clean energy volumes 2018 not anomaly

[iv] Wind Europe, New ground breaking ppa deals signed in scandinavia

[v] Les coûts de production d’électricité renouvelable ont significativement baissé ces dernières années : au niveau mondial, le coût des modules photovoltaïques est en baisse de 84% depuis 2010 et le coût de fabrication des éoliennes est en baisse de 32% sur la même période selon BNEF