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Smart Energy Home : quels nouveaux modèles d’affaires pour les fournisseurs historiques d’énergie ?

Le développement de la Smart Home, porté par l’essor du numérique et l’évolution des attentes clients, a bouleversé le marché de la fourniture d’énergie. Les problématiques Smart Home sont au confluent de l’énergie et de la donnée, ce qui suscite l’intérêt d'acteurs d'industries très différentes.

Aujourd’hui des acteurs aussi diversifiés que les Télécoms, les équipementiers, les fabricants d’objets connectés ou les géants de l’IT s’adressent à la même cible client que celle des utilities historiques, créant un environnement concurrentiel tendu.

Une évolution inégale des acteurs sur le marché de la Smart Energy Home qui pousse les acteurs à multiplier les partenariats externes pour sécuriser une place au sein d’un environnement concurrentiel tendu

Cette multitude d’acteurs, couplée à la taille encore relativement faible du marché de l’énergie connectée dans la maison, a poussé les énergéticiens à repenser leurs modèles d’affaires. En effet, les utilities bénéficient d’une forte légitimité dans le domaine de l’énergie, ainsi que d’une bonne maitrise de la relation client et d’une capacité à commercialiser des offres et services énergétiques. Cependant la faible maitrise des technologies de l’IoT constitue un réel frein à leur développement sur le marché de l’énergie connectée dans la maison. Pour palier cet écueil, les énergéticiens s’appuient de plus en plus sur des modèles de partenariats externes qui leur permettent d’avoir accès à de nouveaux leviers de développement apportés par les partenaires (maitrise des technologies de communication, innovations de rupture…). EDF a ainsi signé un partenariat[i] avec Orange qui va se concrétiser par le lancement en octobre 2016 d’un service associant Homelive (solution d’Orange permettant de piloter des objets connectés via application) et e.quilibre (solution d’EDF de suivi et d’analyse de la consommation). Direct Energie s’est associé[ii] à Nest pour proposer à ses clients une offre Pack Chauffage qui inclut en plus de la fourniture d’énergie le thermostat connecté, avec à la clé des promesses d’économies.

De leur côté, les nouveaux entrants se sont également lancés dans cette stratégie de partenariats qui leur permet d’asseoir leur légitimité dans le domaine de l’énergie et/ou de toucher le grand public (voir Figure 1).

Les Télécoms, par exemple, maitrisent certes les technologies de communication nécessaires au développement de l’IoT (Wifi, Bluetooth..), mais possèdent une faible légitimité à proposer des solutions en lien avec l’énergie. Ainsi, Orange s’est appuyé sur l’offre de chauffage connecté « Wiser » développée par Schneider Electric pour proposer à ses clients le « Pack Connecté Chauffage Wiser »[iii] qui leur permet de gérer la solution de chauffage Wiser dans l’application unique Homelive.

Dans ce cas, l’intérêt pour Orange est de s’appuyer sur un acteur spécialiste de la gestion énergétique  pour pénétrer de nouveaux canaux et rentrer sur le marché de l’énergie connectée dans la maison. De son côté, Schneider Electric, à l’image des autres équipementiers, bénéficie d’une bonne connaissance des problématiques énergétiques mais ne possède pas de réelle capacité à construire des offres commerciales grand public. L’association avec Orange, acteur très visible des clients finaux, lui permet ainsi de se faire connaitre et d’élargir sa cible client.

Parmi les autres acteurs dont l’arrivée a bouleversé le marché de l’énergie, figurent les fabricants d’objets connectés. Ce sont des acteurs relativement jeunes qui possèdent une forte capacité d’innovation. Beaucoup, à l’image de Nest ou Netatmo, se positionnent en tant qu’avant-gardistes sur les technologies des objets connectés liés à l’énergie mais se voient encore limités à de faibles volumes de vente. Ce type d’acteurs cherche dans les partenariats un moyen de s’offrir une plus grande visibilité, de renforcer leur relation client et de toucher un plus grand public. Netatmo a ainsi noué des partenariats avec ENGIE et EDF qui ont donné lieu à des offres packagées de fourniture d’énergie avec thermostat connecté. 

Enfin, l’arrivée très remarquée d’acteurs tels que Google ou Apple sur le marché de l’énergie a secoué ce dernier.  Les géants de l’IT possèdent une forte capacité d’innovation et de rupture dans la gestion et le traitement de données, mais peu d’expérience dans la commercialisation d’objets ou d’offres en lien avec l’énergie. Or ces acteurs voient dans la Smart Energy Home un moyen de diversifier leurs activités et de s’appuyer sur de nouveaux leviers de développement. Nouer des partenariats avec des acteurs dont l’expertise en matière d’énergie est davantage connue du grand public est donc essentiel pour ces entreprises. En s’associant à de nombreux acteurs parmi lesquels Netatmo et Phillips, Apple a lancé HomeKit[iv], solution qui permet via iOS de coordonner l’ensemble des applications qui commandent les différents objets connectés de la maison. Google, quant à lui, s’était déjà positionné sur le marché en rachetant la start-up Nest.

Une multiplication des partenariats qui s’accompagne de l’émergence d’un modèle d’échange de « Data contre Data » à l’origine de nouveaux services innovants

Le développement de partenariats entre les différents acteurs se traduit, en parallèle du lancement de nouvelles offres connectées, par un échange croissant de données à l’origine de la création de nouveaux services innovants.

Toutefois, jusqu’à présent, les énergéticiens proposaient des services qui reposaient exclusivement sur l’exploitation de données issues de leurs propres bases clients. Par exemple, le service Cap EcoConso[v] d’ENGIE ou le portail e.quilibre[vi] d’EDF offrent au client, à partir des données de consommation récupérées par les fournisseurs, la possibilité de visualiser l’évolution de sa consommation mensuelle, de la comparer à l’année précédente, de comparer sa consommation à celle de foyers similaires ou d’identifier les principaux postes de consommations d’énergie.

Dorénavant, l’émergence du modèle de « data contre data » permet aux partenaires d’échanger des données différentes (voir Figure 2) dont le croisement permet de créer des fonctionnalités nouvelles.

Ainsi, le croisement des données de température intérieure mesurée par la Homelive d’Orange avec les données de consommation d’énergie permettra aux clients d’EDF mais également aux utilisateurs de la Homelive de simuler, dès octobre 2016, l’impact du changement de la température de chauffage sur leur consommation d’énergie. De la même manière, de nombreuses autres fonctionnalités peuvent être développées à partir de l’exploitation et du croisement des données recueillies par chaque partenaire (voir Figure 3). Les fonctionnalités développées sont par la suite intégrées par chacun des partenaires dans les services qu’il propose à ses clients.

L’exploitation des données de consommation du client couplées aux données remontées par les objets connectés permettent d’imaginer de nombreuses fonctionnalités intégrées dans des services énergétiques proposés aux clients. Toutefois, l’enjeu essentiel, au-delà de l’exploitation même des données, reste l’accès à ces données. Une première réponse à cet enjeu semble provenir des partenariats que les différents acteurs nouent dans un souci de sécuriser une place dans le marché de l’énergie connectée dans la maison. Ces partenariats témoignent de la transformation que connait le marché de l’énergie et qui pousse les énergéticiens à faire évoluer leurs modèles d’affaires, de la fourniture d’énergie primaire à la fourniture de services énergétiques.