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Produire ne suffit plus : les ENR face à la nouvelle donne électrique

L’essor des énergies renouvelables expose les limites d’un système électrique dépassé. Les prix négatifs signalent l’urgence d’intégrer flexibilité, pilotage et nouveaux modèles pour garantir résilience et cohérence face à un marché en pleine mutation.

Derrière les prix négatifs, les limites d’un système figé

L’essor rapide des énergies renouvelables bouleverse les repères du marché électrique, comme en témoigne la multiplication des épisodes de prix négatifs au printemps 2025. Face à cette volatilité, certains n’hésitent pas à désigner les ENR comme responsables. Mais ces prix négatifs ne sont pas la cause : ils sont le signal d’un système resté trop rigide, dont la flexibilité n’a pas suivi le rythme de la transition. Autrement dit : on a changé les conditions de base sans adapter les règles du jeu. 

L’enjeu n’est plus de débattre de la légitimité des ENR, mais d’accélérer l’intégration des flexibilités, de faire évoluer le cadre réglementaire et d’imaginer de nouveaux modèles économiques. Ce n’est qu’à cette condition que le système électrique pourra retrouver sa cohérence, notamment en complémentarité avec le nucléaire. 

La majorité des producteurs – à l’image d’Akuo ou de Neoen – ont structuré leur modèle autour de la sécurisation des revenus. Environ 85 % des ventes d’énergie sont réalisées via des contrats long terme, publics (selon les spécificités du soutien public dans chaque pays) ou privés (PPA), contre 15 % exposées au marché. Cette part, amenée à croître, rend les producteurs de plus en plus sensibles à la volatilité du prix spot, à un moment où le système peine à s’ajuster. 

Cet article propose une relecture stratégique du modèle de production renouvelable autour de trois piliers : flexibilité, diversification des débouchés, pilotage marché – autant de clés pour un modèle résilient et performant.

Un système conçu pour le pilotable, bousculé par l’intermittent

Le système électrique français a été pensé dans un mondel’électricité provenait de grandes centrales pilotables – principalement nucléaires – avec une forte inertie, opérées de manière centralisée pour répondre à une demande prévisible. Un modèle robuste, mais qui ne reflète plus les réalités actuelles. 

Avec l’arrivée massive des ENR, trois dynamiques bouleversent la donne : 

  • intermittence : la production dépend des conditions météo, non d’une demande anticipée. 

  • décorrélation géographique : l’injection est décentralisée. 

  • coût marginal presque nul : la production ENR impacte directement les prix spot. 

Quelques évolutions du système ont été mises en œuvre, comme la réduction du pas de règlement des écarts à 15 minutes depuis janvier 2025 (règlement européen 2017/2195), qui permet d’affiner le pilotage de la production et de l’injection sur le réseau. Mais cela n’est pas suffisant. 

En effet, les anciens contrats long terme resteront en place pendant encore plusieurs années – l’effet des durées de 15 à 20 ans continue. Ainsi, si le cadre évolue, il n’est pas caduc. Les producteurs bénéficient encore de ces mécanismes de soutien et ne doivent pas se reposer sur ces protections. Il faut éviter d’attendre que la réglementation vienne contraindre une transformation non anticipée

En tout état de cause, aujourd’hui, la faiblesse des incitations à moduler la production pèse lourd : 

  • la faible participation des moyens de production renouvelables au mécanisme d’ajustement (< 500 MW selon la CRE) rend l’équilibre fragile. 

  • en cas de surproduction (quand offre > demande), les prix spot passent sous zéro. 

Pour les centrales nucléaires, ces effets sont sévères : elles doivent choisir entre continuer à produire à perte ou arrêter la production, avec les coûts d’usure et de redémarrage que cela implique. La CRE estime les pertes associées à ces heures de prix négatif à 80 M€ sur le 1er semestre 2024, uniquement pour les installations confrontées à cette situation. 

Ces dérèglements ont, enfin, des conséquences plus larges : 

  • sur les finances publiques : des aides peuvent continuer à être versées malgré les prix négatifs – et donc pour produire une électricité qui ne répond à aucune demande – alourdissant le budget de l’Etat. 

  • sur les marges des producteurs, qui perdent en visibilité et en résilience économique. 

De l’obligation d’achat à la logique marché : la bascule

Dans ce contexte, il est crucial de comprendre l’évolution du rôle des producteurs ENR, souvent perçus – à tort – comme passifs voire déconnectés des signaux de marché. 

Avant 2016, la majorité des installations renouvelables bénéficiaient d’une obligation d’achat à tarif fixe sur 15 à 20 ans, limitant fortement leur exposition au marché. Ce modèle a permis l’émergence rapide d’une filière, mais a aussi freiné « l’optimalité marché » incitant à injecter en continu, indépendamment des besoins du système. 

Depuis 2016, avec les compléments de rémunération, la donne change : ils vendent spot, perçoivent un complément se basant sur un prix de référence – un mécanisme plus flexible et plus exposé au marché

Ce mouvement est amené à s’amplifier : 

  • les compléments de rémunération sont désormais suspendus durant les périodes de prix négatifs ; 

  • fin avril 2025, des avenants aux contrats d’obligation d’achat des parcs éoliens offshore déjà raccordés (Fécamp, Saint-Brieuc, Saint-Nazaire) ont été signés, permettant à ces parcs de participer au mécanisme d’ajustement. Ces parcs y ont pris part dès les 10 et 11 mai

Ces évolutions témoignent d’un glissement réglementaire concret : même si les anciens contrats courent encore, des avenants ou des dispositifs volontaires accélèrent le changement. 

Mais tant que certains acteurs bénéficient d’une stabilité contractuelle, sans adaptation opérationnelle, le risque est de rater le virage. 

Le message est clair : le cadre change. Mieux vaut s’y préparer que le subir. 

Devenir flex-compatible n'est plus une option mais un impératif

Les prix négatifs révèlent un déséquilibre croissant entre la dynamique de déploiement des ENR et l’adaptation du système : 

  • les mécanismes de flexibilité n’ont pas suivi le rythme ; 

  • le cadre réglementaire n’a pas assez anticipé la nouvelle donne ; 

  • la stratégie des producteurs reste centrée sur la maximisation du volume injecté. 

Dans ce contexte, la flexibilité – entendue comme la capacité à moduler, stocker ou valoriser autrement sa production – devient un impératif stratégique. Il ne s’agit plus d’un avantage concurrentiel, mais d’une condition de viabilité économique

Cela commence dès la conception des projets. Le choix du site ne peut plus, aujourd’hui, se limiter au gisement disponible. Il faut désormais intégrer : 

  • la capacité d’accueil du réseau local, 

  • les synergies potentielles avec des consommateurs électro-intensifs, 

  • les possibilités de stockage

L’hybridation devient ainsi un levier clé : PV et stockage, éolien et batteries, couplage avec de l’hydrogène ou des STEP... Ces modèles – encore réservés à une minorité de projets aujourd’hui – offrent un levier de réponse technique aux signaux économiques du marché. Et ce levier est en passe de devenir incontournable, y compris dans les appels d’offres, qui commencent à intégrer des critères de pilotabilité ou de services système (ex : projets lauréats des appels d’offres PPE2, dispositif de stockage de l’énergie couplées à des parcs solaires). 

Mais, la flexibilité n’est pas qu’un sujet d’ingénierie. C’est aussi une décision stratégique : 

  • faut-il internaliser le stockage ? 

  • contractualiser avec un agrégateur ? 

  • nouer un partenariat avec un industriel via un PPA 

Demain, les producteurs ne seront plus de simples vendeurs de kWh. Ils deviendront des acteurs multi-services : producteurs, flexibilisateurs, agrégateurs, partenaires industriels. 

Les Virtual Power Plants (VPP), les contrats dynamiques, les PPA flexibles ou les offres intégrées avec les consommateurs sont autant de briques d’un modèle flex-compatible, centré sur la performance système et la robustesse financière

Wind Turbines and Solar Panels

Prendre le virage, sans attendre le mur

Les prix négatifs sont des signaux. Ils témoignent d’un système à moderniser, pas d’une dérive à contenir. 

Pour survivre et continuer à se développer, les producteurs d’ENR doivent dès maintenant : 

  • intégrer la flexibilité dans leur stratégie ; 

  • s’approprier les signaux de marché 

  • explorer des modèles hybrides et multi-acteurs

Chez Sia, nous accompagnons cette transformation : projections techno-économiques, structuration de business models, stratégie de valorisation flexible.

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