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Le BTP, un secteur avec de nombreuses opportunités digitales

Le secteur du BTP bénéficie de nombreuses opportunités digitales qui pourraient apporter des réponses aux différents enjeux rencontrés dans le secteur.

Malgré l’importance du marché lié au BTP, la digitalisation du secteur reste bien en retard sur les autres industries.

Le secteur du BTP c’est environ 126 milliards d’euros de travaux en 2016, ce qui représente la moitié de celui de l’industrie globale qui atteignait 266 milliards d’euros d’après le rapport du Gouvernement. Le BTP est pour ainsi dire un secteur très important sur le marché français mais pas seulement. Une véritable croissance est attendue dans les années à venir sur ce secteur au niveau mondial comme nous pouvons le voir dans l’infographie ci-dessous.

Le BTP constitue ainsi un élément clé de l’économie et pourtant, le constat est qu’il connaît un réel retard vis-à-vis de la transformation digitale malgré les récents efforts des entreprises sur ce sujet. En effet, dans l’ère du numérique, le monde de la construction n’a pas encore pris tous les virages des nouvelles technologies et logiciels disponibles malgré l’augmentation de la complexité et de la technicité de certains chantiers, qui sont à la recherche d’une hauteur sans précédent (Tour Burj Khalifa à Dubaï), d’un design inédit (Fondation Louis Vuitton à Paris), d’une architecture mouvante (Fondation Fosun de Shanghai) ou d’un respect de l’environnement irréprochable (Tighthouse à New York).

Pourtant le digital a la capacité de répondre aux différents défis actuels liés à la construction.

En effet, les nouvelles technologies de manière générale pourraient apporter de vraies réponses aux enjeux de la construction puisque seulement un tiers des chantiers respectent les budgets de départ et très rarement dans les délais impartis. Il y a donc là une véritable marge de manœuvre pour améliorer la gestion des coûts et du planning, surtout que les budgets des chantiers se voient globalement réduits alors que les coûts de construction augmentent et que les plannings sont de plus en plus courts.

 

Même si les enjeux dans la construction sont multiples, l’objectif majeur est de stopper la baisse des prix d’après Michaël Bertini, le Directeur Général de L’Atelier des Compagnons. Pour cela, le digital offre plusieurs solutions en proposant des services supplémentaires à réelles valeurs ajoutées ainsi qu’une diminution de certains coûts. On parlerait ainsi d’augmenter la maîtrise des coûts, des délais et surtout d’offrir une véritable transparence et un accès à l’information simplifié pour les clients. En ce sens, une entreprise de construction proposerait davantage de garanties grâce à des logiciels spécifiques, un meilleur suivi des travaux, une sécurité accrue des ouvriers sur les chantiers ainsi qu’une productivité de travail améliorée.

Les opportunités digitales sont infinies et certaines voient déjà le jour sur le terrain.

Les solutions digitales disponibles aujourd’hui sont nombreuses : certaines sont similaires à d’autres secteurs et d’autres se trouvent être très spécifiques au BTP. Dans tous les cas, elles sont utilisées pour répondre correctement à certains enjeux actuels de la construction.

Minimiser l’impact de l’erreur humaine

Depuis plus de 10 ans, il est presque impossible de parler de digitalisation du BTP sans parler du BIM (Building Information Modeling). Cette révolution de la construction peut être visualisée comme une maquette numérique 3D d’un bâtiment ou d’une infrastructure qui contient des données intelligentes. Afin de mieux cerner le principe, il faut se dire qu’auparavant un mur dans une maquette 3D n’était autre qu’un parallélépipède rectangle. Avec le BIM, un mur devient un parallélépipède rectangle de béton de résistance c25/30 par exemple et de consistance S3 armé de n barres d’armatures d’acier S235. Cette grande différence permet à ces modèles d’effectuer des analyses énergétiques, thermiques et acoustiques, des calculs structurels et des métrés précis, des détections d’anomalies dans les plans, des contrôles de respect des normes, de budget et autre. Plusieurs logiciels permettent à présent de faire du BIM et s’étendent même à la fonction immobilière. Cependant les formations pour apprendre à utiliser cette technologie restent trop peu nombreuses et assez coûteuses en France ce qui ralentit la progression de cet outil dans l’hexagone par rapport à d’autres pays européens notamment. Pour autant, certaines écoles d’ingénieur se mobilisent davantage sur ce sujet afin d’initier les futurs ingénieurs à cette nouvelle technologie.

 

De plus, afin de palier un maximum à l’erreur humaine qui reste inévitable et très présente dans la construction, il est possible à présent de travailler avec des plans entièrement numérisés et partagés. Tout d’abord, il faut savoir qu’au cours d’un chantier, il existe près d’une centaine de plans différents allant du plan d’installation de chantier (PIC) au détail du branchements des fils électriques et des conduits de plomberie. Durant la vie du projet, de nombreuses versions sortent pour tous ces plans. Il est ainsi possible pour les ouvriers de travailler avec une mauvaise version de plan si la nouvelle ne leur a pas été fournie et toute modification aussi minime soit-elle engendre l’impression de dizaines de nouveaux plans qui sont à fournir à tous les intervenants concernés. Les plans numérisés, par exemple présentés par la start-up PlanGrid, proposent des logiciels accessibles sur tablettes et smartphones qui permettent de renseigner tous les changements effectués sur des plans en temps réel et qui seront partagés aux différentes parties prenantes.

 

Augmenter la productivité de travail

A présent, parlons de la digitalisation des tâches. Certains logiciels proposent de l’aide à la gestion globale d’un projet de BTP dès sa conception grâce à des outils collaboratifs qui permettent aux ingénieurs et maîtres d’ouvrages d’enregistrer l’avancement du chantier, avec le détail des ressources humaines utilisées, le budget et les délais de chaque tâche ainsi que la gestion des matériaux. Ils peuvent également faire des contrôles de qualité ainsi que des levées de réserves comme le propose FinalCad, un des leaders mondiaux des applications mobiles de terrain.

De la même manière, afin de simplifier grandement le partage d’informations et leur accessibilité, le Cloud reste une solution évidente, notamment pour les conducteurs de travaux dont le travail s’invite aussi souvent à la maison. Cela leur permet d’avoir à tout moment tous les documents et plans (une fois numérisés). Cependant la question de la sécurité des données reste à garantir dans le cas de l’utilisation d’une telle solution.

 

Diminuer les coûts de construction

Les modes de production peuvent également s’inspirer du digital grâce aux imprimantes 3D. L’idée est qu’il est désormais possible de scanner des pièces (de plomberie par exemple) et de les répliquer directement sur le chantier. Cela permet d’éviter les coûts liés au stockage et au transport de ces pièces, ainsi que la certitude d’avoir la bonne pièce et le bon modèle en temps voulu, ce qui évite les retards. L’impression 3D offre de vrais avantages en termes de coût et de réactivité mais également en ce qui concerne le montage puisqu’à présent, des constructions entières peuvent être effectuées par des robots d’impression 3D. En effet, une maison de 38m² a été construite près de Moscou en Mars 2017 en moins de 24h par la start-up Apis Cor pour environ 10 000 euros. La France recense son premier cas de maison construite par ce biais à Nantes (appelé Yhnova) qui a débuté en septembre dernier pour une surface de 95m². L’impression 3D reste encore très expérimentale pour le moment mais propose des coûts de construction défiant toute concurrence puisque le besoin de main d’œuvre est alors très réduit.

 

Améliorer la sécurité sur chantier

Le BTP est à l’heure actuelle l’un des secteurs le plus à risque en termes d’activités d’après la CNAMTS (Caisse Nationale de l'Assurance Maladie des Travailleurs Salariés) qui recensait environ 92 000 accidents du travail en 2015. On compte également près de 1 000 accidents mortels sur 5 ans. La sécurité a beau être au cœur des préoccupations de chacun des ouvriers et encadrants, il reste une marge d’amélioration conséquente. Cet aspect peut également être traité par des solutions technologiques avec par exemple la mise en place de drones qui peuvent assurer des inspections récurrentes sur les chantiers afin de communiquer une estimation des risques à distance ainsi que des estimations chiffrées des dommages lors de sinistres. C’est en tout cas ce que se propose de faire BetterView, une start-up américaine d’inspections de bâtiments.

 

Les objets volants ne sont pas les seuls à pouvoir aider à prévenir des dangers puisqu’il existe maintenant des casques connectés appelés Smart Helmet et créés par Daqri en partenariat avec Intel. Ce casque de chantier permet d’assurer la sécurité de l’ouvrier en cas de chute d’objet au même titre qu’un casque classique mais est également doté de capteurs et de caméras thermiques qui permettent la détection de malfaçons, de fuites, de circuits défectueux, des déperditions de chaleur, l’envoi et le traitement des données recueillies. Doté d’une visière à réalité augmentée, l’ouvrier peut aussi lire une jauge à plusieurs dizaines de mètres, faire des simulations comme pour un remplacement de pièces, visualiser une carte interactive du chantier mais également recevoir et donner des consignes aux autres ouvriers dotés de ce casque. Malheureusement, ce bijou de technologie est environ 30 fois plus cher qu’un casque de chantier classique. Il est donc évident que cette solution ne pourra être mise en place dans le court terme pour tous les ouvriers. Mais cette initiative est à retenir pour certains postes à haut risque et le prix est amené à baisser également dans les années à venir.

 

De plus, il est désormais possible d’amplifier la force naturelle des ouvriers. C’est un pari fou qu’a expérimenté Eiffage Infrastructures en utilisant un gant robotisé, originellement conçu pour les astronautes, qui permet d’amplifier considérablement la force de la main et ainsi réduire la fatigue des muscles et les risques d’accident qui leur sont liés.

 

Finalement, il est à présent possible d’employer la technologie digitale lors des formations de sécurité. C’est en ce sens que Bouygues Construction s’est lancé dans les formations en réalité virtuelle. L’idée vient d’un constat bien connu : nous ne retenons que 10 à 20% de ce que nous lisons ou entendons mais nous retenons près de 90% de ce que nous avons vécu et fait. C’est ainsi que Bouygues a décidé de mettre en place des formations sécurité à ses ouvriers et en conditions réelles. En se basant sur les retours d’expériences et avec l’aide de Manpower, ils ont pu mettre au point des cas pratiques à effectuer en réalité virtuelle.  L’enjeu est de mettre en application les formations théoriques de sécurité sur chantier. Dotés d’un casque de réalité virtuelle, les ouvriers sont mis en immersion. Cela permet ainsi de simuler la chute d’objet, un incendie, l’absence de barrière de sécurité et autres. Les scénarii sont sans limite et permettent aux ouvriers de vivre des accidents graves afin de les sensibiliser davantage aux règles de sécurité et sur les bons gestes à adopter en cas de situations à risque. Bouygues Construction a d’ores-et-déjà commencé à faire tester l’expérience à ses ouvriers. Une expansion du phénomène est à prévoir et peut s’avérer très bénéfique pour la sécurité de chacun.

Certaines démarches publiques sont également apparues pour favoriser l’utilisation d’outils digitaux dans le BTP. Et ces mouvements s’accélèrent afin de rattraper les pays pionniers.

En effet, des initiatives ont déjà vu le jour dans de nombreux pays comme par exemple sur l’utilisation du BIM qui est à ce jour déjà obligatoire pour les projets de marchés publics aux Pays-Bas (2012), à Hong Kong (2014), Royaume-Uni et Corée du Sud (2016). De nombreuses agences gouvernementales du Danemark, Finlande et Norvège l’imposent également sur leurs projets. Les Etats-Unis exigent même que les candidatures se fassent en rendu BIM pour toute commande publique. De son côté, la France a sorti un nouveau code des marchés publics en 2016 qui s’arrête à l’incitation à l’utilisation du BIM. Cependant, le ministre actuel de la Cohésion des territoires Jacques Mézard a signé en Novembre 2017 un engagement volontaire avec l’ensemble des acteurs de la construction qui vise la généralisation d’une construction numérique d’ici 2022. Afin d’aider au mieux toutes les entreprises du secteur et notamment les artisans du bâtiment, il a été décidé de mettre à disposition de tous une plateforme collaborative sur le BIM dans le but de stimuler le marché des maquettes numériques. Cette démarche montre le réel intérêt du digital dans ce secteur et surtout la volonté du gouvernement français pour que les entreprises du bâtiment suivent le mouvement national du numérique.

 

Par ailleurs, en décembre 2014, l’ancienne ministre du Logement, de l’Egalité des territoires et de la Ruralité, Madame Sylvia Pinel, a présenté un plan de relance de la construction avec notamment le Plan de Transition Numérique dans le Bâtiment (PTNB) qui vise à accélérer l’utilisation des outils numériques et digitaux dans le secteur du BTP.

Mais nous pourrions imaginer aller plus loin pour dynamiser tout l’écosystème numérique du BTP. Par exemple, dans un appel d’offre public actuel, nous trouvons principalement le critère financier et technique au sein duquel se trouvent la qualité, la sécurité et l’environnement entre autres. Nous pourrions alors imaginer un critère supplémentaire sur l’utilisation des outils numériques. Ceci permettrait d’encourager les entreprises à l’emploi d’outils digitaux et de nouvelles technologies, permettant à toute la profession d’être tirée dans cette direction. En ce sens, les nouvelles technologies ne seraient plus vues comme un coût par les entreprises mais comme un investissement afin de remporter des marchés. Il ne faut pourtant pas oublier les petites entreprises de bâtiment dont les ressources financières sont plus limitées et devraient être davantage accompagnées dans ces démarches pour qu’elles ne soient pas pénalisées par de telles décisions.