Aller au contenu principal

Les usages de la vidéo intelligente au service de la sûreté

Exacerbée par la vagues d’attentats terroristes des dernières années, au cours les auteurs de ces faits réussissaient à échapper aux forces de l’ordre en utilisant les services de transport public, la question de la sûreté se pose plus que jamais dans l’ensemble de ces réseaux.

Exacerbée par la vagues d’attentats terroristes des dernières années, au cours les auteurs de ces faits réussissaient à échapper aux forces de l’ordre en utilisant les services de transport public, la question de la sûreté se pose plus que jamais dans l’ensemble de ces réseaux. Au travers de ces évènements, les opérateurs des transports en commun ont pu constater la difficulté pour eux de surveiller l’ensemble de leur réseau de transport, d’empêcher la circulation des individus les plus dangereux, et de prévenir les incidents liés à la sûreté. Dans ce cadre, la vidéo intelligente offre de nouvelles possibilités pour les autorités organisatrices de transport en matière de sûreté, leur permettant d’assurer une meilleure sécurité de leurs passagers vis-à-vis de la menace terroriste, sans toutefois remettre en cause en profondeur leur modèle opérationnel.

Si le terrorisme est un fait récent et d’actualité, un autre aspect de la sureté prégnant dans les transports publics est la lutte contre les incivilités de toutes sortes et la fraude, qui sont une source d’insécurité pour la plupart des voyageurs, impactent la qualité du service, et occasionnent une perte pour les opérateurs de transport. Face à ces problématiques, les solutions proposées par la vidéo intelligente et les nouvelles technologies peuvent s’avérer d’une grande aide aux transporteurs, et complètement modifier la donne dans ce domaine.

Le nombre croissant de caméras de vidéoprotection et les progrès effectués en algorithmique offrent de nouvelles possibilités d’usage de la Vidéo Intelligente

Depuis leur première utilisation pour la surveillance dans les années 1980, les caméras sont aujourd’hui omniprésentes dans le monde, autant dans les lieux publics que privés. En France, le nombre de caméras était estimé en 2014 à un million par la CNIL, dont près de 100 000 étaient destinées à la vidéoprotection. Créé en 2011 lors de l’adoption par le parlement de la loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure (dite LOPPSI 2), le terme de vidéoprotection introduit une différenciation entre la vidéosurveillance de lieux ouverts au public ainsi désignée, et la surveillance de lieux privés qui garde la dénomination de vidéosurveillance. Les autorités de transports, appuyées par les acteurs politiques régionaux, envisagent par ailleurs d’installer des caméras de vidéoprotection dans de plus en plus de leurs équipements. L’opinion publique en France va dans ce sens, car dans un sondage récent, 92% des français se positionnaient pour une augmentation du nombre de caméras de vidéoprotection dans les transports.

Si la plupart de ces caméras sont placées dans des lieux fixes, comme des gares ou des stations de métro, de plus en plus de caméras sont installées en mobilité, dans les rames de train et de métro et les bus. Cette évolution suit une volonté de mieux protéger les utilisateurs des transports, dans lesquels ils ont autant de chance d’être victimes d’actes malveillants. La principale destination des images récoltées sont les PC Sécurité des transporteurs, et éventuellement les forces de l’ordre. Les PC de sécurité est ainsi en mesure de visionner l’ensemble des images récoltées sur le réseau, mais cela représente une quantité d’images phénoménales, et les équipes ne sont pas dimensionnées pour traiter une telle quantité d’information en temps réel. Le problème se pose aussi pour les conducteurs de trains, métros, et bus, qui ont parfois un accès direct à ces images, mais dont le rôle principal n’est évidemment pas de faire de la surveillance des véhicules de transport. Dans tous les cas intervient le besoin d’une assistance au visionnage des images de vidéoprotection.

Les caméras installées dans les lieux publics au cours de la dernière décennie sont par ailleurs de plus en plus sophistiquées, notamment grâce au passage de l’analogique au digital, ce qui a permis une augmentation de la qualité des images récoltées, de leur nombre et de leur stockage. Le passage au digital a par ailleurs permis de faire pour la première fois en 2005 des analyses de ces données vidéo, à des fins d’automatisation de la surveillance et la mise en place d’alarmes. L’ensemble de ces analyses, qui est globalement appelé vidéo intelligente, permet notamment de pallier le manque récurrent de personnel disponible pour visionner les images de vidéoprotection, ainsi que la capacité de concentration de ces agents, qui ne peuvent surveiller plus de quelques heures un nombre limité d’écrans. La vidéo intelligente vise à faciliter la tâche de ces agents, en leur procurant une assistance à l’analyse des images, le but ultime étant de limiter leur travail à une simple confirmation d’alertes, qui seraient elles déclenchées automatiquement.

 

Les techniques mises en place dans le cadre de la vidéo intelligente sont multiples et variées, tout comme les entreprises et start-ups proposant leur solution de vidéo intelligente, mais le processus suivi est globalement le même. Premièrement, l’analyse des images nécessite de distinguer la partie fixe de la prise de vue, appelée arrière-plan, de sa partie mobile, appelée avant-plan, qui contient l’information intéressante à des fins de sûreté. Une fois cette distinction faite, l’analyse des nuées de pixels identifiées se fait en comparant les critères retenus à une base de données, déterminée préalablement. La qualité et le nombre des alertes va donc dépendre du type de critère retenu, et des conditions appliquées au déclenchement d’une alerte. Celles-ci vont généralement s’appliquer à des schémas caractéristiques d’une situation de crise, comme un mouvement rapide de foule ou des gestes saccadés entre plusieurs personnes, pouvant impliquer une altercation, ou des situations particulières susceptibles de créer des faits de sécurité, comme une personne abandonnant un bagage.

Une application particulière et connue de la vidéo intelligente est la reconnaissance faciale, qui peut s’avérer particulièrement utile pour le traçage de personnes suspectes ou potentiellement dangereuses. Cette technologie, toujours en voie de développement, est difficile à mettre en place par manque de qualité des images collectées, mais les progrès réalisés sur la résolution des images et l’efficacité des méthodes de reconnaissance permettront prochainement de l’utiliser. Une autre difficulté de cette technique est la disparité de la mesure, venant de la faculté des gens à changer d’apparence physique (coupe de cheveux ou pilosité faciale, maquillage, port de lunettes ou d’autres accessoires) à différents moments.

De nombreux cas d’usage sont envisagés et impliquent trois différents niveaux de données

La vidéo intelligente appliquée à la sûreté offre des possibilités variées, comme en atteste le nombre de cas d’usage envisagés par les autorités de transport. Parmi ceux-ci, on recense :

-              La détection et prévention d’actes terroristes

-              La détection d’actes malveillants non terroristes : agressions, dégradations de matériel, vols à l’arraché

-              La détection d’attroupements ou de mouvements de foule particuliers indiquant ou impliquant une situation dangereuse

-              La détection d’intrusion dans le cadre d’une surveillance périmétrique

-              Extraction d’indices et aide à la résolution dans le cas d’une enquête judiciaire

-              La détection de la fraude

 

Tous les cas d’usage précités ont pour point commun la mise en place de méthodes d’identification de personnes. La distinction se fait sur le nombre de personnes identifiées, ainsi que sur le degré d’information personnelle requis pour cette identification. On peut ainsi identifier trois niveaux d’identification :

-              L’identification de plusieurs personnes ou de groupes de personnes

-              L’identification anonyme d’une personne particulière

-              L’identification biométrique d’une personne

L’identification de personnes ou groupes de personnes s’inscrit plus volontiers dans une logique de comptage et gestion des flux que de sûreté, notamment pour prévenir les problèmes sécuritaires liés à l’accumulation de personnes en un endroit en particulier, sur un quai par exemple. Elle trouve une application à la sûreté en permettant par exemple de repérer des signes indicateurs d’une situation anormale ou potentiellement dangereuse, comme le serait un mouvement de foule précipité. Le risque de ce genre de détection est qu’il peut intervenir trop tard, et ne permet pas de prévenir l’attentat ou l’incident en lui-même.

L’identification anonyme consiste à identifier de manière séparée une personne du reste de la foule. Cela peut se faire en utilisant un certain nombre d’attributs physiques, parmi lesquelles son apparence physique, ses habits, ou encore sa démarche. L’identification est anonyme car à aucun moment les caractéristiques de la personne ne sont recoupées à une base de données.

L’identification biométrique est le niveau le plus élevé en matière de degré d’information personnelle à laquelle la vidéo intelligente peut s’appliquer. L’identification biométrique via la vidéo peut se faire par analyse faciale, ou par identification de l’iris. Dans les deux cas, l’identification nécessite une qualité des images transmises suffisamment bonne, ainsi que le couplage à une base de données comportant les profils des personnes concernées. Pour des considérations légales de protection des individus, il semblerait donc que cette solution ne soit envisagée uniquement pour des cas particuliers.

Plusieurs projets en cours ou achevés laissent entrevoir une industrialisation proche de la vidéo intelligente pour la sûreté des transports

S’il n’y a actuellement en France aucune application au niveau industriel de la vidéo intelligente dans les transports, de nombreux projets et tests de cette technologie ont été réalisés et sont encore en cours pour certains, et attestent de l’intérêt grandissant des autorités organisatrices comme des opérateurs des transports pour ce type de solution. Pour développer et tester ces nouvelles technologies, les transporteurs s’allient et collaborent avec des grands industriels de la sécurité, comme Thalès ou Safran avec sa filiale Morpho, mais aussi des instituts de recherche comme l’IFSTTAR (Institut français des sciences et technologies des transports, de l'aménagement et des réseaux), ou des start-ups.

La SNCF, figure de proue dans le domaine de l’innovation pour le transport public, a lancé son propre projet de vidéo intelligente à la suite des attentats de novembre 2015. Celui-ci vise à prévenir la venue d’un attentat en suivant via les caméras de surveillance et grâce à des algorithmes de détection les individus dont le comportement semble « suspect ». La technologie utilisée derrière ce projet, développée par la Start-up grenobloise Smart-Me-Up, fait appel à l’analyse de données vidéo, mais aussi à d’autres types de données comme la température corporelle (obtenue à l’aide de caméras thermiques) ou le ton de la voix. L’analyse de ces données vise à détecter des comportements suspects, comme une température corporelle élevée, un haussement du ton de la voix ou des mouvements saccadés. Ces signaux sont néanmoins flous, difficiles à détecter, et ne préfigurent pas nécessairement de mauvaises intentions, ce qui laisse présager un risque de nombreux faux positifs pour cette technologie.

Dans le même sens, un consortium composé de l’IFSTTAR et d’entreprises du secteur sécuritaire ou transport comme Thales, Safran Morpho, ou la RATP, développe depuis une dizaine d’années un logiciel de détection des actes d’agression ou de vandalisme. Ce système, nommé DéGIV (pour Détection et Gestion d’Incident en Véhicule ferroviaire) se base sur l’analyse de données obtenus par un ensemble de caméras et de détecteurs sonores spécialisés, à installer dans chaque rame, qui permettent de déceler des situations dangereuses ou des faits de vandalisme. Idéale pour assurer la sûreté des passagers, ce logiciel est aussi utilisé à des fins de comptage des passagers et de mesure de la densité de personnes à quai et en rame. Testée en juin 2015 sur la ligne 14 du métro parisien, la solution semble être prête à passer à la prochaine étape :  la mise en place industrielle.

 

Ces projets sont des illustrations concrètes de l’intérêt porté par les transporteurs aux solutions proposées par la vidéo intelligente, et ils ne sont pas les seuls existants. D’autres projets sont en cours de développement pour mettre à profit l’ensemble des données récoltées par les caméras de vidéo protection dans les transports (la lutte contre la fraude par exemple), et projettent pour certains d’utiliser des données vidéo obtenues par d’autres moyens (via des drones notamment, pour la surveillance des voies et la lutte contre les vols de caténaires par exemple). Au vu de la taille du marché et des possibilités offertes, des initiatives de regroupement des compétences ont vu le jour : au niveau national, avec le lancement en juin 2015 en France du Démonstrateur Plateforme VOIE (Vidéo Protection Ouverte et intégréE), labélisé par le Comité de la Filière Industrielle de Sécurité (CoFIS) ; en Europe avec le projet de démonstration SECUR-ED, rassemblant 41 acteurs liés au secteur, qui a pris fin en Septembre 2014.

Guide d’usage de la vidéo intelligente

Choix de la solution

De nombreux acteurs sont présents sur le marché de la vidéo intelligente, mais une sélection peut déjà être faite selon le besoin. Celui-ci dépendra de l’existence préalable d’un réseau de caméras, de la nature de ses caméras, de la centralisation des flux de données. Par ailleurs, la puissance de calcul à disposition est à prendre en compte. Si celle-ci n’est pas suffisante, des solutions totalement intégrées avec système d’analyse directement installé dans la caméra peuvent être préconisées pour contourner le problème. C’est notamment la solution proposée par Smart Me Up, qui met en avant la praticité de sa solution et le fait qu’aucune puissance de calcul supplémentaire annexe ne soit nécessaire pour compléter son offre toute incluse.

 

Transmission des données

La méthode employée pour la transmission des données vidéo prend une importance toute particulière dans le contexte des transports publics. En effet, tout l’intérêt de la vidéo intelligente pour la sûreté est de pouvoir détecter suffisamment tôt les évènements, et ceci ne peut se faire que si les caméras transmettent les images en « live » à une entité centralisée, généralement le PC sécurité. Si cela est le cas pour la quasi-totalité des caméras équipant les lieux fixes, la plupart de celles équipant les différents véhicules de transport en commun (train, métro, tram et bus) ne transmettent actuellement pas les données vidéo au PC sécurité, pour de simples problèmes de réalisation technique. Différents systèmes, basés sur des antennes radio spécifiques ou des réseaux wifi expérimentaux, sont en cours de test pour que cette transmission puisse se faire sur l’ensemble des véhicules de transport à l’avenir. En attendant ces avancées techniques, la vidéo intelligente embarquée peut pallier à ce problème, en effectuant une remontée des incidents détectés soit de manière intermédiaire au chauffeur, soit directement au PC sécurité.

 

Protection des données personnelles

La protection des données personnelles est une question primordiale liée à la vidéo protection, et bien souvent une de ses premières critiques. La mise en place de vidéo intelligente, qui implique le traitement de données personnelles, doit donc s’il est mis en place respecter l’ensemble des réglementations en vigueur. C’est en particulier le cas pour le nouveau règlement européen pour la protection des données (GDPR), qui entrera en vigueur en mai 2018, et imposera des conditions plus strictes au stockage et au traitement de données personnelles.

Conclusion

La vidéoprotection ne saurait être efficace sans un système auto-intelligent permettant de trier et filtrer les images à analyser, et ce à une grande échelle au vu des données récoltées. Si nombre de ces systèmes ont déjà vu le jour, développés par des grands industriels ou des start-ups, ils demandent encore aujourd’hui à faire leurs preuves. La grande difficulté de l’analyse de comportement pour la prévention de la malveillance est de pouvoir reconnaître précisément les actes suspects, voire de les prédire, ce qui semble difficile à mettre en œuvre au vu des technologies actuelles. Néanmoins, les progrès réalisés dans les data sciences, combinées aux avancées dans les sciences comportementales et la psychologie terroriste, permettent d’envisager une future amélioration des ces techniques, pour qu’elles puissent être appliquées à un niveau industriel de manière efficace.