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CSP Recrutement : Mode d'emploi

Loin d'être un effet de mode, les centres de services partagés (CSP) ont beaucoup évolué au cours de ces dernières années jusqu'à devenir presque ordinaires dans le paysage organisationnel des entreprises françaises.

Historiquement axés sur les processus financiers tels que la comptabilité fournisseurs ou encore la comptabilité générale, les CSP ont connu un tel essor qu'ils se sont étendus à d'autres fonctions.

La fonction RH est parmi celles qui ont rapidement adopté le concept dans une logique d'harmonisation des processus, notamment pour le recrutement. Même si les gains attendus en termes de réduction de coûts peuvent paraître au premier abord très alléchants, la transposition de ce dispositif au processus de recrutement est-elle si intuitive ? Peut-on déporter toutes les activités de recrutement dans un CSP connaissant le caractère coûteux et sensible voire risqué de cette pratique de GRH ? Quelles seraient les motivations d'un tel choix d'organisation pour la gestion du recrutement ? Quels risques et quels écueils éviter lors de sa mise en place ?

Mettre en place un CSP Recrutement : une opportunité à nuancer en fonction des activités du Recrutement

La mise en place d'un CSP Recrutement vise à doter l'entreprise d'une infrastructure capable de :

  • Contribuer à la réalisation d'un volume important de recrutements,
  • Proposer au Métier des prestations de services de recrutement conformes à l'état de l'art, en centralisant la connaissance et l'expertise en matière de recrutement, et en mettant à disposition un catalogue de services standardisés et modulaires,
  • Améliorer l'efficacité du processus dans son ensemble et générer ainsi des gains financiers.

Bien entendu, il n'est pas question de centraliser l'ensemble des activités du recrutement dans un CSP, mais plutôt de construire un modèle hybride où certaines activités seraient centralisées, tandis que d'autres resteraient au sein des métiers. Une étude d'opportunité détaillée doit permettre d'identifier le bon compromis, qui dépend éminemment de l'entreprise, de ses besoins, de sa culture et de ses spécificités.

La figure ci-dessous est une représentation des grandes étapes du processus de recrutement :

Figure 1 : Etapes clés du processus de recrutement

De façon générale, les activités pour lesquelles la centralisation peut présenter une opportunité sont essentiellement les activités liées à la recherche des candidats et à la gestion des entretiens :

  • La publication des offres d'emploi,
  • La recherche et la sélection de candidats (sourcing),
  • L'évaluation des candidats (Assessment Center),
  • L'organisation et la planification des entretiens de recrutement,
  • Les éventuels contrôles de références professionnelles, de diplômes, etc.
  • Toutes les tâches administratives.

 

L'opportunité de centraliser tout ou partie de ces activités dans un CSP est réelle dans la mesure où les recruteurs peuvent consacrer moins de temps à la réalisation de tâches administratives. Ils sont alors plus à même de se positionner comme des « business partners » en apportant aux Directions Métiers et aux entités :

 

  • Leur expertise en matière de formulation de la politique et de la stratégie de recrutement,
  • Une connaissance fine de leur métier et du contexte dans lequel ces Directions Métiers l'exercent, qui permet aux recruteurs de mieux appréhender leurs besoins en matière de recrutement, et donc d'y répondre plus efficacement (anticipation des besoins de recrutement, capacité à présenter des candidats compétents dans des délais raisonnables, connaissance du marché de l'emploi sur le secteur (pénurie ou non, « prix du marché », ...),
  • Une contribution à l'optimisation du processus de recrutement (qui passe notamment par la mise en place et l'optimisation des outils informatiques adéquats).

La mise en place d'un CSP Recrutement est en outre susceptible d'apporter les bénéfices suivants :

  • La réduction des coûts, par l'abandon des pratiques coûteuses, redondantes et inefficaces,
  • L'amélioration de la qualité de service, par la mise en place d'un point de contact unique (pas de risque d'interprétations multiples de la politique de recrutement ou de prises de décision contradictoires, rôle de conseil et fourniture de services à l'état de l'art).
  • Le partage de l'expertise et des bonnes pratiques de recrutement entre les différents Services Métiers, ...
  • L'amélioration de l'efficacité du processus de recrutement, par la suppression des tâches redondantes ou « incohérentes » induites par la standardisation et l'automatisation des pratiques,
  • L'amélioration de la qualité, de la cohérence et de la facilité d'accès à l'information, centralisée en un point unique.

 

Quantifier le potentiel de réduction des coûts lié à la mise en place d'un CSP Recrutement

La réduction des coûts est une motivation fréquente pour la mise en place d'un CSP. Toutefois il faut se demander quel est le potentiel réel de réduction des coûts lié à la mise en place d'un CSP Recrutement. Afin de répondre à cette question, nous avons adopté la démarche suivante :

1. Décomposition du macro-processus de recrutement en 17 activités.
2. Valorisation des activités du processus.

  • Les 17 activités ont été valorisées en utilisant la méthode de costing ABC.
  • Un pourcentage est attaché à chaque activité de Recrutement, qui représente le « poids » de l'activité dans le coût global du processus de Recrutement pour une entreprise donnée.
  • Seuls les coûts de gestion interne sont pris en compte (les coûts de publication des annonces sont volontairement écartés car ils ne diffèrent pas qu'il y ait un CSP ou non)

3. Affectation de chaque activité du processus de Recrutement soit à une catégorie dite « Front Office », soit à une catégorie dite « Back Office ».

  • Sont affectées à la catégorie « Front Office » toutes les activités qui ne peuvent être effectuées que par les Services Métiers (et qui ne peuvent donc pas être déportées dans un CSP).
  • Sont affectées à la catégorie « Back Office » toutes les activités qui peuvent être déportées dans un CSP.

4. Calcul du « poids » de chaque catégorie (Front Office et Back Office) dans le coût global du processus de recrutement.

Selon nos estimations, les activités de la catégorie « Back Office » représentent environ 20% du coût global du processus de Recrutement. La réduction des coûts induite par la mise en place du CSP ne porterait donc que sur 20% du coût global du processus de recrutement.

Le tableau ci-dessous détaille l'ensemble de notre analyse :

Figure 2 : Analyse du potentiel de réduction des coûts

L'interprétation de ces données ne saurait être effectuée sans garder à l'esprit que :

  • Ce potentiel de gain économique s'entend en mode pérenne, c'est-à-dire une fois que les surcoûts liés à la mise en place du CSP et à son déploiement sont terminés. Par ailleurs, les investissements initiaux sont élevés, compte tenu de l'importance de la transformation organisationnelle et technologique induite par la mise en place du CSP. Un business case détaillé permettra d'évaluer l'opportunité économique du projet.
  • La nomenclature d'activités retenue d'une part, et la répartition des coûts par activité d'autre part, différent d'une entreprise à l'autre, ce qui aura une influence directe sur le potentiel de réduction des coûts.

 

Le caractère éminemment « local » du processus de Recrutement peut constituer un frein à la mise en place d'un CSP Recrutement.

De façon générale, les nombreuses expériences de mise en place de CSP déjà menées (CSP Comptabilité, CSP Paie) permettent d'identifier des risques et des facteurs clés de succès qui sont transposables aux CSP Recrutement. Parmi les risques, citons notamment : la rupture organisationnelle et opérationnelle, les inquiétudes liées aux aspects sociaux (éventuel plan social, formation du personnel, ...), la complexité de gestion des multiples contraintes légales à prendre en compte, le délai de mise en oeuvre et de retour sur investissement du CSP.

Plusieurs facteurs clés de succès permettent de réduire ces risques :

  • La communication et l'accompagnement du personnel (anticipation du dialogue social, anticipation de la gestion des compétences, valorisation du recruteur dans son nouveau rôle de Business Partner, et valorisation des nouveaux métiers du CSP qui peuvent être perçus comme un retour à une organisation taylorienne du travail),
  • L'exploitation des nouvelles opportunités technologiques,
  • Un pilotage rigoureux du projet, notamment dans la phase de démarrage...

 

De façon plus spécifique au Recrutement, c'est le caractère éminemment « local » des processus qui constitue la principale difficulté pour la mise en place d'un CSP, puisqu'il constitue un frein à l'harmonisation des pratiques et des outils. Ce caractère « local » peut s'exprimer à plusieurs niveaux :

  • Au niveau des filiales, de par la diversité de leurs activités ou de la maturité de leurs processus et outils de recrutement,
  • Au niveau des pays, les règles et usages sont bien spécifiques : droit du travail local, CV papier en Allemagne, discrimination positive aux Etats-Unis, moindre importance accordée aux parcours académiques au Royaume-Uni et au Portugal...

Le périmètre du CSP Recrutement doit prendre en compte cette diversité. S'il paraît encore très ambitieux d'envisager un CSP Recrutement à l'échelle internationale (contraintes linguistiques et fuseaux horaires), un CSP qui mutualiserait des activités de Recrutement entre plusieurs filiales ou Directions Métiers au sein d'un même pays peut au contraire s'avérer opportun dans un premier temps.L'opportunité de mettre en place un CSP Recrutement n'est pas intuitive, et le périmètre des activités susceptibles d'être déportées dans un CSP nécessite une analyse détaillée intégrant plusieurs dimensions : culture de l'entreprise (propension à l'outsourcing, aversion au risque,...), priorités, diversité des métiers, niveau d'internationalisation, niveau de maturité et de mutualisation des pratiques et des outils de l'entreprise en matière de recrutement. Toutefois, les activités liées à la recherche des candidats et à la gestion des entretiens semblent les plus à même d'être déportées dans un CSP.

Si l'opportunité économique liée à la mise en place d'un CSP Recrutement n'est pas évidente en première analyse, il apparaît néanmoins que la mise en place d'un tel CSP contribue à l'optimisation du ratio « coût du recrutement / adéquation du recrutement au besoin de l'entreprise », notamment parce qu'il libère les recruteurs d'une partie de leurs tâches administratives, leur permettant ainsi de se positionner en véritables « Business Partners » auprès des Directions Métiers. Or c'est bien ce ratio que l'on cherche à optimiser, et non pas le seul « coût du recrutement ».